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sa grande taille, sa force et la faculté qu’il possède de supporter plus longtemps la fatigue ; la différence sous ces rapports est si considérable qu’on estime les mâles, une fois capturés, à 20 p. 100 au-dessus des femelles[1]. Les sexes ne diffèrent que peu ou point chez les autres pachydermes qui, autant que nous pouvons le savoir, ne sont pas polygames. Aucune espèce appartenant aux ordres des Cheiroptères, des Édentés, des Insectivores ou des Rongeurs, n’est polygame, autant, toutefois, que je puis le savoir ; le rat commun fait peut-être exception à cette règle, car quelques chasseurs de rats affirment que les mâles vivent avec plusieurs femelles. Chez certains paresseux (Édentés) les deux sexes diffèrent au point de vue du caractère et de la couleur des touffes de poils qu’ils portent sur les épaules[2]. Plusieurs espèces de chauves-souris (Cheiroptères) présentent des différences sexuelles bien marquées ; les mâles, en effet, possèdent des sacs et des glandes odorifères et affectent une couleur plus pâle[3]. Chez les rongeurs, les sexes diffèrent rarement ; en tout cas, les différences sont légères et portent seulement sur la couleur des poils.

Sir A. Smith m’apprend que, dans l’Afrique australe, le lion vit quelquefois avec une seule femelle, mais généralement avec plusieurs ; on en a découvert un avec cinq femelles ; cet animal est donc polygame. C’est, autant que je puis le savoir, le seul animal polygame de tout le groupe des carnivores terrestres, et le seul offrant des caractères sexuels bien accusés. Il n’en est pas de même chez les carnivores marins : en effet, beaucoup d’espèces de phoques présentent des différences sexuelles extraordinaires, et sont essentiellement polygames. Ainsi, l’éléphant de mer (Macrochinus proboscideus) de l’Océan du Sud est toujours, d’après Péron, entouré de plusieurs femelles, et le lion de mer (Otaria jubata), de Forster, est, dit-on, accompagné par vingt ou trente femelles. L’ours de mer mâle, de Steller (Arctocephalus ursinus), dans le Nord, se fait suivre d’un nombre de femelles encore plus considérable. Le docteur Gill[4] a fait à cet égard une remarque très intéressante : « Chez les espèces monogames, ou celles qui vivent en petites sociétés, on observe peu de différence de taille entre le mâle et la femelle ; chez les espèces sociables, ou plutôt chez celles où les mâles pos-

  1. D. Campbell, Proc. Zoolog. Soc., 1869, p. 138. Voir aussi un mémoire intéressant du lieutenant Johnstone, Proc. Asiatic. Soc. of Bengal, mai 1868.
  2. Dr Gray, Annals and Nat. Hist., 1871, p. 302.
  3. Voir un excellent mémoire du Dr Dobson, Proc. Zoolog. Society, 1873, p. 241.
  4. The Eared Seals ; American Naturalist, vol. IV, janv. 1871.