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un supplément à ce chapitre. Je puis ajouter, toutefois, que, au cap de Bonne-Espérance, on a compté pendant plusieurs années de 91 à 99 garçons d’extraction européenne pour 100 filles.

Ce n’est pas, d’ailleurs, seulement le nombre proportionnel des mâles et des femelles au moment de la naissance qui nous intéresse, mais aussi le nombre proportionnel à l’âge adulte ; il en résulte un autre élément de doute, car on sait très positivement qu’il meurt, avant ou pendant la parturition, puis dans les premières années de la vie, une quantité beaucoup plus grande d’enfants du sexe masculin que du sexe féminin. On constate le même fait pour les agneaux mâles, et probablement aussi, il est vrai, pour d’autres animaux. Les mâles de certaines espèces se livrent de terribles combats qui amènent souvent la mort de l’un des adversaires, ou ils se pourchassent avec un acharnement tel qu’ils finissent par s’épuiser complètement. En errant à la recherche des femelles, ils sont exposés à de nombreux dangers. Les poissons mâles de différentes espèces sont beaucoup plus petits que les femelles ; on affirme qu’ils sont fréquemment dévorés par celles-ci, ou par d’autres poissons. Chez quelques espèces d’oiseaux, les femelles meurent, dit-on, plus tôt que les mâles ; elles courent aussi de plus grands dangers, exposées qu’elles sont sur le nid, pendant qu’elles couvent ou qu’elles soignent leurs petits. Les larves femelles des insectes, souvent plus grosses que les larves mâles, sont, par conséquent, plus sujettes à être dévorées ; dans quelques cas, les femelles adultes, moins actives, moins rapides dans leurs mouvements que les mâles, échappent moins facilement au danger. Chez les animaux à l’état de nature, nous ne pouvons donc, pour apprécier le nombre proportionnel des mâles et des femelles à l’âge adulte, nous baser que sur une simple estimation, qui, à l’exception peut-être des cas où l’inégalité est très marquée, ne doit inspirer que peu de confiance. Cependant, les faits que nous citerons dans le supplément qui termine ce chapitre semblent nous autoriser à conclure que, chez quelques mammifères, chez beaucoup d’oiseaux, chez quelques poissons et chez quelques insectes, le nombre des mâles excède de beaucoup celui des femelles.

Le nombre proportionnel des individus des deux sexes éprouve de légères fluctuations dans le cours des années ; ainsi, chez les chevaux de course, pour 100 femelles nées, les mâles avaient varié d’une année à une autre dans le rapport de 107,1 à 92,6, et chez les lévriers de 116,3 à 95,3. Mais il est probable que ces fluctuations auraient disparu si l’on avait dressé des tableaux plus complets, basés sur une région plus étendue que l’Angleterre seule ;