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la période de la production des jeunes, production qui doit être déterminée par les saisons de l’année. En somme, il n’est pas douteux que, chez presque tous les animaux à sexes séparés, il y a une lutte périodique et constante entre les mâles pour la possession des femelles.

Il y a, cependant, un point important qui mérite toute notre attention. Comment se fait-il que les mâles qui l’emportent sur les autres dans la lutte, ou ceux que préfèrent les femelles, laissent plus de descendants possédant comme eux une certaine supériorité, que les mâles vaincus et moins attrayants ? Sans cette condition, la sélection sexuelle serait impuissante à perfectionner et à augmenter les caractères qui donnent à certains mâles un avantage sur d’autres. Lorsque les sexes existent en nombre absolument égal, les mâles les moins bien doués trouvent en définitive des femelles (sauf là où règne la polygamie), et laissent autant de descendants, aussi bien adaptés pour les besoins de l’existence que les mâles les mieux partagés. J’avais autrefois conclu de divers faits et de certaines considérations que, chez la plupart des animaux à caractères sexuels secondaires bien développés, le nombre des mâles excédait de beaucoup celui des femelles ; mais il ne semble pas que cette hypothèse soit complètement exacte. Si les mâles étaient aux femelles comme deux est à un, ou comme trois est à deux, ou même dans une proportion un peu moindre, la question serait bien simple ; car les mâles les plus attrayants ou les mieux armés laisseraient le plus grand nombre de descendants. Mais, après avoir étudié, autant que possible, les proportions numériques des sexes, je ne crois pas qu’on puisse ordinairement constater une grande disproportion numérique. Dans la plupart des cas, la sélection sexuelle paraît avoir agi de la manière suivante.

Supposons une espèce quelconque, un oiseau, par exemple, et partageons en deux groupes égaux les femelles qui habitent un district ; l’un comprend les femelles les plus vigoureuses et les mieux nourries ; l’autre, celles qui le sont moins. Les premières, cela n’est pas douteux, seront prêtes à reproduire au printemps avant les autres ; c’est là, d’ailleurs, l’opinion de M. Jonner Weir, qui, pendant bien des années, s’est beaucoup occupé des habitudes des oiseaux. Les femelles les plus saines, les plus vigoureuses et les mieux nourries, réussiront aussi, cela est évident, à élever en moyenne le plus grand nombre de descendants[1]. Les mâles, ainsi

  1. Je puis invoquer l’opinion d’un savant ornithologiste sur le caractère des petits. M. J.-A. Allen, Mammals and Winter Birds of Florida, p. 229, dit en parlant des couvées tardives après la destruction accidentelle des