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2o Les plis proprement dits commencent à apparaître dans l’intervalle qui s’écoule entre la fin du quatrième mois et le commencement du sixième mois de la vie fœtale ; mais Ecker a soin de faire remarquer que, non seulement l’époque, mais aussi l’ordre de leur apparition sont sujets à des variations individuelles considérables. En aucun cas, cependant, les plis frontaux ou temporaux ne paraissent les premiers.

Le premier à paraître se trouve même sur la surface intérieure de l’hémisphère (d’où il résulte sans doute qu’il a échappé à Gratiolet qui ne semble pas avoir examiné cette face dans le fœtus qu’il possédait) et est, soit le pli perpendiculaire antérieur (occipito-pariétal), soit le pli calcarin, qui sont situés très près l’un de l’autre et qui même se confondent l’un avec l’autre. En règle générale, le pli occipito-pariétal paraît le premier.

3o Pendant la dernière partie de cette période, on voit paraître un autre pli, le pli postéro-pariétal ou fissure de Rolando, qui est suivi pendant le cours du sixième mois par les autres plis principaux des lobes frontaux, pariétaux, temporaux et occipitaux. Toutefois, il n’est pas démontré qu’un de ces plis paraisse certainement avant l’autre ; il est à remarquer, en outre, que, dans le cerveau âgé de six mois décrit et figuré par Ecker (loc. cit., pp. 212-213, pl. II. fig. 1, 2, 3, 4.), le pli antéro-temporal (scissure parallèle), si caractéristique du cerveau du singe, est aussi bien, sinon mieux développé que la fissure de Rolando et est plus nettement indiqué que les plis frontaux.

Il me semble, si l’on envisage l’ensemble de ces faits, que l’ordre de l’apparition des plis et des circonvolutions dans le cerveau fœtal humain concorde parfaitement avec la doctrine générale de l’évolution et avec l’hypothèse que l’Homme procède de quelque forme ressemblant au singe, bien qu’on ne puisse douter que cette forme, sous bien des rapports, était différente de tous les Primates actuellement vivants.

Von Baer nous a enseigné, il y a cinquante ans, que, dans le cours de leur développement, les animaux alliés revêtent d’abord les caractères des groupes étendus auxquels ils appartiennent, puis revêtent par degrés les caractères qui les renferment dans les limites d’une famille, d’un genre et d’une espèce ; il a prouvé en même temps qu’aucune phase du développement d’un animal élevé n’est précisément semblable à la condition adulte d’un animal inférieur.

Il est parfaitement correct de dire qu’une grenouille passe par la condition de poisson ; car, à une période de son existence, le têtard a tous les caractères d’un poisson et, s’il ne se développait pas subséquemment, devrait être classé parmi les poissons ; mais il est également vrai que le têtard diffère beaucoup de tous les poissons connus.

De même on peut dire que le cerveau d’un fœtus humain, pendant le cinquième mois de son existence, ressemble non seulement au cerveau d’un singe, mais à celui d’un marmouset ou singe arctopithécin ; car ses hémisphères, avec leurs deux grandes cornes postérieures et sans aucun pli, si ce n’est le pli sylvien et le pli calcarin, présentent tous les caractères trouvés seulement dans le groupe des Primates arctopithécins. Mais il est également vrai, comme le fait remarquer Gratiolet, que, par sa fissure sylvienne largement ouverte, ce cerveau diffère de celui de tous les marmousets actuels. Sans doute, il ressemblerait beaucoup plus au cerveau d’un fœtus avancé de marmouset ; mais nous ignorons complètement quel est le mode de développement du cerveau chez les marmousets. Dans le groupe Platyrrhinin proprement dit, la seule observation que je connaisse a été faite par Pansch qui a trouvé dans le cerveau du fœtus d’un Cebus apella, outre la fissure sylvienne et la profonde scissure calcarine, seulement une fissure antéro-temporale (scissure parallèle de Gratiolet) très peu profonde.

Or, ce fait rapproché de la circonstance que la fissure antéro-temporale est présente chez certains Platyrrhinins, tels que les saimiri, qui possèdent de simples traces de fissure sur la moitié antérieure de l’extérieur des hémisphères cérébraux, ou qui n’en possèdent pas du tout, vient évidemment à l’appui de l’hypothèse de Gratiolet en vertu de laquelle les plis postérieurs apparaissent avant les plis antérieurs dans le cerveau des Platyrrhinins.