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et la tendance à la phthisie, sembleraient prouver que cette conjecture n’est pas sans quelques fondements. J’ai, par conséquent, cherché, mais avec peu de succès[1], à constater ce qu’il pouvait en être. Feu le docteur Daniell, qui a longtemps habité la côte occidentale d’Afrique, m’a affirmé qu’il ne croyait à aucun rapport de cette nature. Bien que très blond, il a lui-même supporté admirablement le climat. Lorsqu’il arriva sur la côte, encore tout jeune, un vieux chef nègre expérimenté lui avait prédit, d’après son apparence, qu’il en serait ainsi. Le docteur Nicholson, d’Antigua, après avoir approfondi cette question, m’a écrit qu’il ne croyait pas que les Européens bruns échappassent mieux à la fièvre jaune que les blonds. M. J.-M. Harris[2] nie complètement que les Européens à cheveux bruns supportent mieux que les autres un climat chaud ; l’expérience lui a, au contraire, appris à choisir des hommes à cheveux rouges pour le service sur la côte d’Afrique. Autant qu’on peut en juger par ces quelques observations, on peut conclure, ce

  1. Au printemps de 1862, j’avais obtenu du Directeur général du département médical de l’armée la permission de remettre un questionnaire aux chirurgiens des divers régiments en service dans les colonies, mais aucun ne m’est revenu. Voici les remarques que portaient ce questionnaire : « Divers cas bien constatés chez nos animaux domestiques établissent qu’il existe un rapport entre la coloration des appendices dermiques et la constitution ; il est, en outre, notoire qu’il existe quelques rapports entre la couleur des races humaines et le climat qu’elles habitent ; les questions suivantes sont donc dignes d’être prises en considération. Y a-t-il chez les Européens quelque rapport entre la couleur des cheveux, et leur aptitude à contracter les maladies des pays tropicaux ? Les chirurgiens des régiments stationnés dans des régions tropicales insalubres pourraient s’assurer d’abord, comme terme de comparaison, du nombre des hommes bruns ou blonds ou de teinte intermédiaire et douteuse. En même temps, on constaterait quelle est la couleur des cheveux des hommes qui ont eu la fièvre jaune ou la dyssenterie ; dès que ces tableaux comprendraient quelques milliers d’individus, il serait aisé de constater s’il existe quelque rapport entre la couleur des cheveux et une disposition à contracter les maladies tropicales. On ne découvrirait peut-être aucun rapport de ce genre, mais il est bon de s’en assurer. Si on obtenait un résultat positif, il aurait quelque utilité pratique en indiquant le choix à faire dans les hommes destinés à un service particulier. Théoriquement, le résultat aurait un haut intérêt, car il indiquerait comment une race d’hommes, habitant dès une époque reculée un climat tropical malsain, aurait pu acquérir une couleur de plus en plus foncée par la conservation des individus à cheveux ou au teint brun ou noir pendant une longue succession de générations. »
  2. Anthropological Review, janv. 1866, p. 21. Le Dr Sharpe dit aussi par rapport aux Indes (Man a special creation, 1873, p. 118) que quelques médecins ont remarqué que « les Européens à cheveux blonds et à teint clair sont moins exposés aux maladies des climats tropicaux que les personnes à cheveux bruns et à teint foncé ; cette remarque, je crois, est basée sur les faits. » D’autre part, M. Heddle, de la Sierra Leone « qui a vu mourir auprès de lui une si grande quantité de commis », tués par le climat de la côte occidentale d’Afrique, (W. Reade, African Sketch book, vol. II, p. 522) a une opinion toute contraire que partage le capitaine Burton.