Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.

même les mulâtres, échappent presque complètement aux atteintes de la fièvre jaune qui est si meurtrière dans l’Amérique tropicale. Ils résistent également dans une grande mesure aux terribles fièvres intermittentes qui règnent sur plus de 4,000 kilomètres le long des côtes d’Afrique, et qui entraînent la mort annuelle d’un cinquième des blancs nouvellement établis, et obligent un autre cinquième des colons à rentrer infirmes dans leur pays[1]. Cette immunité du nègre paraît être en partie inhérente à la race et semble dépendre de quelque particularité inconnue de constitution ; elle est aussi en partie le résultat de l’acclimatation. Pouchet[2] constate que les régiments nègres recrutés dans le Soudan et prêtés par le vice-roi d’Égypte pour la guerre du Mexique, échappèrent à la fièvre jaune presque aussi bien que les nègres importés depuis longtemps des diverses parties de l’Afrique, et accoutumés au climat des Indes occidentales. Beaucoup de nègres, après avoir résidé quelque temps sous un climat plus froid, deviennent, jusqu’à un certain point, sujets aux fièvres tropicales, ce qui prouve que l’acclimatation joue aussi un rôle considérable[3]. La nature du climat sous lequel les races blanches ont longtemps résidé exerce également quelque influence sur elles ; pendant l’épouvantable épidémie de fièvre jaune de Demerara, en 1837, le docteur Blair constata, en effet, que la mortalité des immigrants était proportionnelle à la latitude du pays qu’ils avaient habité à l’origine. Pour le nègre, l’immunité, en tant qu’elle résulte de l’acclimatation, implique une longueur de temps immense ; les indigènes de l’Amérique tropicale, qui résident depuis un temps immémorial dans ces régions, ne sont pas, en effet, exempts de la fièvre jaune. Le Rév. B. Tristram affirme, en outre, que les habitants indigènes sont forcés pendant certaines saisons de quitter quelques districts de l’Afrique du Nord, bien que les nègres puissent continuer à y résider en toute sécurité.

On a affirmé qu’il existe une certaine corrélation entre l’immunité du nègre pour quelques maladies et la couleur de sa peau ; mais ce n’est là qu’une simple conjecture ; cette immunité pourrait aussi bien résulter de quelque différence dans le sang, dans le système nerveux ou dans les autres tissus. Néanmoins, les faits que nous venons de citer, et le rapport qui existe certainement entre le teint

  1. Dans une communication lue à la Société de statistique par le major Tulloch et publiée dans l’Athenœum, 1840, p. 353.
  2. La Pluralité des races humaines, 1864.
  3. De Quatrefages, Unité de l’espèce humaine, 1861, p. 205. Waitz, Introd. to Anthropology, 1863 (trad. anglaise, I, p. 124). Livingstone signale des cas analogues dans ses Voyages.