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décrut de 120 à 46 et ce dernier nombre ne comprenait que 10 enfants[1].

De même, dans l’intervalle qui s’est écoulé entre le recensement de 1866 et celui de 1872, le nombre des indigènes pur sang aux îles Sandwich diminua de 8,081, tandis que le nombre des demi-castes augmenta de 847 ; mais je ne saurais dire si ce dernier nombre comprend les enfants des demi-castes ou seulement les demi-castes de la première génération.

Les faits que je viens de citer se rapportent tous à des aborigènes qui ont été soumis à de nouvelles conditions d’existence, par suite de l’arrivée d’hommes civilisés. Il est probable, cependant, que, si les sauvages étaient forcés par toute autre cause, l’invasion d’une tribu conquérante par exemple, à déserter leurs demeures et à changer leurs habitudes, la mauvaise santé et la stérilité n’en résulteraient pas moins pour eux. Il est intéressant de constater que le principal obstacle à la domestication des animaux sauvages, ce qui implique pour eux la faculté de se reproduire dès qu’ils sont réduits en captivité, est le même qui empêche les sauvages placés en contact avec la civilisation de survivre pour former à leur tour une race civilisée, c’est-à-dire, la stérilité résultant du changement des conditions d’existence.

Enfin, bien que le décroissement graduel et l’extinction finale des races humaines constitue un problème très complexe, nous pouvons affirmer qu’il dépend de bien des causes différentes suivant les lieux et les époques. Ce problème est, en somme, analogue à celui que présente l’extinction de l’un des animaux les plus élevés, — le cheval fossile, par exemple, qui a disparu de l’Amérique du Sud, pour être, bientôt après, remplacé dans les mêmes régions par d’innombrables troupeaux de chevaux espagnols. Le Nouveau-Zélandais semble avoir conscience de ce parallélisme, car il compare son sort futur à celui du rat indigène qui a été presque entièrement exterminé par le rat européen. Si insoluble qu’il nous paraisse, surtout si nous voulons pénétrer les causes précises et le mode d’action de l’extinction, ce problème n’a rien après tout qui doive nous étonner. En effet, l’accroissement de chaque espèce et de chaque race est constamment tenu en échec par divers freins, de sorte que, s’il s’en ajoute un nouveau, ou s’il survient une cause de destruction, si faible qu’elle soit, la race diminue certai-

  1. Voir, pour les détails, Lady Belcher : The Mutineers of the Bounty, 1870 ; Pitcairn Island, publié par ordre de la Chambre des communes, 29 mai 1863. J’emprunte les renseignements suivants sur les habitants des îles Sandwich à M. Coan et à la Honolulu Gazette.