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tème reproducteur, sans que nous puissions, d’ailleurs, indiquer les raisons de cette action ; cette influence amène, selon les cas, des résultats avantageux ou nuisibles. J’ai cité à ce sujet un grand nombre de faits dans le chapitre xviii de la Variation des animaux et des plantes à l’état domestique ; je me bornerai donc à rappeler ici quelques exemples et à renvoyer ceux que ce sujet peut intéresser à l’ouvrage que je viens d’indiquer. Des changements de condition très minimes ont pour effet d’augmenter la santé, la vigueur et la fécondité de la plupart des êtres organisés ; d’autres changements, au contraire, ont pour effet de rendre stériles un grand nombre d’animaux. Un des exemples les plus connus est celui des éléphants apprivoisés qui ne reproduisent pas dans l’Inde, tandis qu’ils se reproduisent souvent à Ava où on permet aux femelles d’errer dans une certaine mesure dans les forêts et que l’on replace ainsi dans des conditions plus naturelles.

On a élevé en captivité, dans leur pays natal, divers singes américains mâles et femelles, et, cependant, ils se sont très rarement reproduits ; cet exemple est plus important encore pour le sujet qui nous occupe à cause de la parenté de ces singes avec l’homme, Le moindre changement des conditions d’existence suffit parfois pour provoquer la stérilité chez un animal sauvage réduit en captivité, ce qui est d’autant plus étrange que nos animaux domestiques sont devenus plus féconds qu’ils ne l’étaient à l’état de nature, et que certains d’entre eux peuvent résister à des changements extraordinaires des conditions sans qu’il en résulte une diminution de fécondité[1]. La captivité affecte, à ce point de vue, certains groupes d’animaux beaucoup plus que d’autres et ordinairement toutes les espèces faisant partie du groupe sont affectées de la même manière. Parfois aussi, une seule espèce d’un groupe devient stérile, tandis que les autres conservent leur fécondité ; d’un autre côté, une seule espèce peut conserver sa fécondité, tandis que les autres espèces deviennent stériles. Les mâles et les femelles de certaines espèces réduits en captivité ou privés d’une certaine dose de liberté dans leur pays natal ne s’accouplent jamais ; d’autres, placés dans les mêmes conditions, s’accouplent souvent, mais sans jamais produire de petits ; d’autres enfin ont des petits, mais en moins grand nombre qu’à l’état naturel. Il faut remarquer, en outre, et cette remarque s’applique tout particulièrement à l’homme, que les petits produits dans ces conditions sont ordinairement faibles, maladifs ou difformes et périssent de bonne heure.

  1. Voir la Variation des animaux, etc., vol, II. (Paris, Reinwald).