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gènes, le nombre des familles a été évalué avec soin par les personnes habitant plusieurs districts, et il semble qu’on puisse se fier à cette évaluation. Les chiffres obtenus prouvent que, pendant les quatorze années qui ont précédé 1858, la diminution s’est élevée à 19,42 p. 100. Quelques tribus sur lesquelles ont porté les observations les plus parfaites habitaient des régions séparées par des centaines de kilomètres, les unes sur le bord de la mer, les autres bien loin dans l’intérieur des terres ; les moyens de subsistance et les habitudes différaient donc dans une grande mesure (p. 28). En 1858, on évaluait le nombre total des Maories à 53,700 ; en 1872, après un autre intervalle de quatorze ans, on n’en trouve plus que 36,359, soit une diminution de 32,29 p. 100 ![1] Après avoir démontré que les causes ordinairement invoquées, telles que les nouvelles maladies, le dérèglement des femmes, l’ivrognerie, les guerres, etc., ne sauraient suffire à expliquer cette diminution extraordinaire, M. Fenton, qui s’est livré à une étude approfondie du sujet, croit pouvoir l’attribuer à la stérilité des femmes, et à la mortalité extraordinaire des jeunes enfants (pp. 31, 34). Comme preuve à l’appui, il indique (p. 33) qu’on comptait, en 1844, un enfant pour 2,57 adultes, tandis qu’en 1853, on ne comptait plus qu’un enfant pour 3,27 adultes. La mortalité des adultes est aussi considérable. M. Fenton invoque encore comme autre cause de la diminution la disproportion numérique entre les hommes et les femmes ; il naît, en effet, moins de filles que de garçons. Je reviendrai, dans un chapitre subséquent, sur cette dernière assertion qui dépend peut-être d’une raison entièrement différente. M. Fenton insiste avec un certain étonnement sur la diminution de la population dans la Nouvelle-Zélande et sur son augmentation en Irlande, deux pays dont le climat se ressemble beaucoup et dont les habitants ont à peu près aujourd’hui les mêmes habitudes. Les Maories eux-mêmes (p. 35) « attribuent, dans une certaine mesure, leur diminution à l’introduction d’une nouvelle alimentation, à l’usage des vêtements, et aux changements d’habitudes qui en ont été la conséquence ; » nous verrons, en étudiant l’influence que le changement des conditions d’existence a sur la fécondité, qu’ils ont probablement raison. La diminution de la population a commencé entre 1830 et 1840 ; or, M. Fenton démontre (p. 40) qu’ils ont découvert vers 1830 l’art de préparer les tiges du maïs en les faisant longtemps séjourner dans l’eau et qu’ils s’adonnent beaucoup à cette préparation ; ceci indique qu’un changement d’habitudes se

  1. Alex. Kennedy, New Zealand, 1873, p. 47.