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presque identiques, comme l’ont démontré Westropp et Nilsson[1]. Ce fait ne peut s’expliquer que d’une seule façon, c’est-à-dire que les races diverses possèdent la même puissance inventive ou, autrement dit, des facultés mentales analogues. Les archéologues ont fait la même observation[2] relativement à certains ornements très répandus, comme les zigzags, etc., et par rapport à certaines croyances et à certaines coutumes fort simples, telles que l’usage d’enfouir les morts sous des constructions mégalithiques. Dans l’Amérique du Sud[3], comme dans tant d’autres parties du monde, l’homme a généralement choisi les sommets des hautes collines pour y élever des monceaux de pierres, soit pour rappeler quelque événement mémorable, soit pour honorer les morts.

Or, lorsque les naturalistes remarquent une grande similitude dans de nombreux petits détails portant sur les habitudes, les goûts et les caractères entre deux ou plusieurs races domestiques, ou entre des formes naturelles très voisines, ils voient dans ce fait une preuve que ces races descendent d’un ancêtre commun doué des mêmes qualités ; en conséquence, ils les groupent toutes dans une même espèce. Le même argument peut s’appliquer aux races humaines avec bien plus de force encore.

Il est improbable que les nombreux points de ressemblance si insignifiants parfois qui existent entre les différentes races humaines et qui portent aussi bien sur la conformation du corps que sur les facultés mentales (je ne parle pas ici des coutumes semblables) aient tous été acquis d’une manière indépendante ; ils doivent donc provenir par hérédité d’ancêtres qui possédaient ces caractères. Cela nous permet d’entrevoir quel était le premier état de l’homme avant qu’il se fût répandu graduellement dans toutes les parties du monde. Il est évident que l’homme alla peupler des régions largement séparées par la mer, avant que des divergences considérables de caractères se soient produites entre les diverses races, car autrement on rencontrerait quelquefois la même race sur des continents distincts, ce qui n’arrive jamais. Sir J. Lubbock, après avoir comparé les arts que pratiquent aujourd’hui les sauvages dans toutes les parties du monde, indique ceux que l’homme ne pouvait pas connaître, lorsqu’il s’est pour la première fois éloigné de sa patrie originelle ; car on ne peut admettre qu’une fois acquises

  1. H.-M. Westropp, On analogous forms of implements ; Memoirs of Anthrop. Soc. Nilson, The primitive inhabitants of Scandinavia.
  2. Westropp, On Cromlechs, etc., Journal of Ethnological Soc., cité dans Scientific Opinion, p. 3, juin 1869.
  3. Journal of Researches ; Voyage of the Beagle, p. 46.