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Le recensement fait aux États-Unis, en 1854, indique, d’après le docteur Bachman, 105,751 mulâtres, chiffre qui semble évidemment très faible ; toutefois, la position anormale des mulâtres, le peu de considération dont ils jouissent, et le dérèglement des femmes tendent à expliquer leur petit nombre. En outre, les nègres absorbent incessamment les mulâtres, ce qui détermine nécessairement une diminution de ces derniers. Un auteur digne de foi[1] affirme, il est vrai, que les mulâtres vivent moins longtemps que les individus de race pure ; bien que cette observation n’ait aucun rapport avec la fécondité plus ou moins grande de la race, on pourrait peut-être l’invoquer comme une preuve de la distinction spécifique des races parentes. On sait, en effet, que les hybrides animaux et végétaux sont sujets à une mort prématurée, lorsqu’ils descendent d’espèces très distinctes ; mais on ne peut guère classer les parents des mulâtres dans la catégorie des espèces très distinctes. L’exemple du mulet commun, si remarquable par sa longévité et par sa vigueur et, cependant, si stérile, prouve qu’il n’y a pas, chez les hybrides, de rapport absolu entre la diminution de la fécondité et la durée ordinaire de la vie. Nous pourrions citer d’autres exemples analogues.

En admettant même qu’on arrivât plus tard à prouver que toutes les races humaines croisées restent parfaitement fécondes, celui qui voudrait, pour d’autres raisons, les considérer comme spécifiquement distinctes pourrait observer avec justesse que ni la fécondité ni la stérilité ne sont des critériums certains de la distinction spécifique. Nous savons en effet, que les changements des conditions d’existence, ou les unions consanguines trop rapprochées, affectent profondément l’aptitude à la reproduction ; nous savons, en outre, que cette aptitude est soumise à des lois très complexes ; celle, par exemple, de l’inégale fécondité des croisements réciproques entre les deux mêmes espèces. On rencontre, chez les formes qu’il faut incontestablement considérer comme des espèces, une gradation parfaite entre celles qui sont absolument stériles quand on les croise, celles qui sont presque fécondes et celles qui le sont tout à fait. Les degrés de la stérilité ne coïncident pas exactement

    admirent beaucoup les blancs et les mulâtres, les nègres de la Côte d’Or ont pour principe que les mulâtres ne doivent pas se marier les uns avec les autres, car il ne résulte de ces mariages qu’un petit nombre d’enfants maladifs. Cette croyance, comme le fait remarquer M. Reade, mérite toute notre attention, car les blancs ont habité la Côte d’Or depuis plus de quatre cents ans, et, par conséquent, les indigènes ont eu amplement le temps de juger par l’expérience.

  1. B.-A. Gould, Military and Anthropol. Statistics of American Soldiers, 1869, p. 319.