Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ques, et que des nègres, absolument semblables à ceux qui existent aujourd’hui, habitaient le pays il y a au moins 4000 ans[1]. Un excellent observateur, le docteur Lund[2], lui apprendrait, en outre, que les crânes humains trouvés dans les cavernes du Brésil, mélangés aux débris d’un grand nombre de mammifères éteints, appartiennent précisément au même type que celui qui prévaut aujourd’hui sur le continent américain.

Puis, notre naturaliste, après avoir étudié la distribution géographique de l’espèce humaine, déclarerait, sans aucun doute, que des formes qui diffèrent non-seulement d’aspect, mais qui sont adaptées les unes aux pays les plus chauds, les autres aux pays les plus humides ou les plus secs, d’autres, enfin, aux régions arctiques, doivent être spécifiquement distinctes. Il pourrait, d’ailleurs, invoquer le fait que pas une seule espèce de quadrumanes, le groupe le plus voisin de l’homme, ne résiste à une basse température ou à un changement considérable de climat ; et que les espèces qui se rapprochent le plus de l’homme n’ont jamais pu parvenir à l’âge adulte, même sous le climat tempéré de l’Europe. Un fait, signalé pour la première fois[3] par Agassiz, ne laisserait pas que de l’impressionner beaucoup aussi, à savoir que les différentes races humaines sont distribuées à la surface de la terre dans les mêmes régions zoologiques qu’habitent des espèces et des genres de mammifères incontestablement distincts. Cette remarque s’applique manifestement quand il s’agit de la race australienne, de la race mongolienne et de la race nègre ; elle est moins vraie pour les Hottentots, mais elle est absolument fondée quand il s’agit des

  1. M. Pouchet (Pluralité des races humaines, 1864) fait remarquer, au sujet des figures des fameuses cavernes égyptiennes d’Abou-Simbel, que, malgré toute sa bonne volonté, il n’a pu reconnaître les représentants des douze ou quinze nations que quelques savants prétendent distinguer. On ne constate même pas, pour les races les plus accusées, cette unanimité qu’on était en droit d’attendre d’après ce qui a été écrit à ce sujet. Ainsi MM. Nott et Gliddon (Types of Mankind, p. 148) assurent que Rameses II, ou le Grand, a de superbes traits européens, tandis que Knox, autre partisan convaincu de la distinction spécifique des races humaines (Races of Man, 1850, p. 201), parlant du jeune Memnon (le même personnage que Rameses II, comme me l’apprend M. Birch), insiste, de la manière la plus positive, sur l’identité de ses traits avec ceux des Juifs d’Anvers. J’ai examiné au British Museum, avec deux personnes attachées à l’établissement et juges des plus compétents, la statue d’Aménophis III, et nous tombâmes d’accord qu’il avait un type nègre des plus prononcés ; MM. Nott et Gliddon (op. cit., 146, fig. 53) le considèrent, au contraire, comme un « hybride, mais sans aucun mélange nègre ».
  2. Cité par Nott et Gliddon (op. cit., p. 439). Ils ajoutent des preuves à l’appui, mais C. Vogt pense que le sujet réclame de nouvelles recherches.
  3. Diversity of Origin of the Human Races, dans Christian Examiner, juillet 1850.