Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mesurées avec soin, diffèrent considérablement les unes des autres par la texture des cheveux, par les proportions relatives de toutes les parties du corps[1], par le volume des poumons, par la forme et la capacité du crâne, et même par les circonvolutions du cerveau[2]. Ce serait, d’ailleurs, une tâche sans fin que de vouloir spécifier les nombreux points de différence qui existent dans la conformation. La constitution des diverses races, leur aptitude variable à s’acclimater et leur prédisposition à contracter certaines maladies constituent encore autant de points de différences. Au moral, les diverses races présentent des caractères également très distincts ; ces différences se remarquent principalement quand il s’agit de l’émotion, mais elles existent aussi dans les facultés intellectuelles. Quiconque a eu l’occasion de faire des observations de ce genre a dit être frappé du contraste qui existe entre les indigènes taciturnes et sombres de l’Amérique du Sud, et les nègres légers et babillards. Un contraste analogue existe entre les Malais et les Papous[3], qui vivent dans les mêmes conditions physiques et ne sont séparés que par un étroit bras de mer.

Examinons d’abord les arguments avancés en faveur de la classification des races humaines en espèces distinctes ; nous aborderons ensuite ceux qui sont contraires à cette classification. Un naturaliste, qui n’aurait jamais vu ni Nègre, ni Hottentot, ni Australien, ni Mongol, et qui aurait à comparer ces différents types, s’apercevrait tout d’abord qu’ils diffèrent par une multitude de caractères, les uns faibles, les autres considérables. Après enquête, il reconnaîtrait qu’ils sont adaptés pour vivre sous des climats très dissemblables, et qu’ils diffèrent quelque peu au point de vue de la structure corporelle et des dispositions mentales. Si on lui affirmait alors qu’on peut lui faire venir des mêmes pays des milliers d’individus analogues, il déclarerait certainement qu’ils constituent des espèces aussi véritables que toutes celles auxquelles il a pris l’habitude de donner un nom spécifique. Il insisterait sur cette conclusion dès qu’il aurait acquis la preuve que toutes ces formes ont, pendant des siècles, conservé des caractères identi-

  1. B.-A. Gould. Investigations in the Military and Anthropological Statistics of American Soldiers, 1869, pp. 298-358 ; cet ouvrage contient un grand nombre de mesures de blancs, de noirs et d’Indiens. Sur la Capacité des poumons, p. 471. Voir aussi les tables nombreuses données par le Dr Weisbach, d’après les observations faites par les Drs Scherzer et Schwarz, dans le Voyage de la Novara : Partie anthropologique, 1867.
  2. Voir, par exemple, la description du cerveau d’une femme Boschiman donnée par M. Marshall (Philos. Transactions, 1864, p. 519).
  3. Wallace, The Malay Archipelago, vol. II, 1869, p. 178.