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humble est encore quelque chose de bien supérieur à la poussière inorganique que nous foulons aux pieds ; et quiconque se livre sans préjugés à l’étude d’un être vivant, si simple qu’il soit, ne peut qu’être transporté d’enthousiasme en contemplant son admirable structure et ses propriétés merveilleuses.


CHAPITRE VII


SUR LES RACES HUMAINES


Nature et valeur des caractères spécifiques. — Application aux races humaines. — Arguments favorables ou contraires au classement des races humaines comme espèces distinctes. — Sous-espèces. — Monogénistes et Polygénistes. — Convergence des caractères. — Nombreux points de ressemblances corporelles et mentales entre les races humaines les plus distinctes. — État de l’homme, lorsqu’il s’est d’abord répandu sur la terre. — Chaque race ne descend pas d’un couple unique. — Extinction des races. — Formation des races. — Effets du croisement. — Influence légère de l’action directe des conditions d’existence. — Influence légère ou nulle de la sélection naturelle. — Sélection sexuelle.


Je n’ai pas l’intention de décrire ici les diverses races humaines, pour employer l’expression dont on se sert d’habitude, mais de rechercher quelles sont, au point de vue de la classification, la valeur et l’origine des différences que l’on observe chez elles. Lorsque les naturalistes veulent déterminer si deux ou plusieurs formes voisines constituent des espèces ou des variétés, ils se laissent pratiquement guider par les considérations suivantes : la somme des différences observées ; leur portée sur un petit nombre ou sur un grand nombre de points de conformation ; leur importance physiologique, mais plus spécialement leur persistance. Le naturaliste, en effet, s’inquiète d’abord de la constance des caractères et lui attribue, à juste titre, une valeur considérable. Dès qu’on peut démontrer d’une manière positive, ou seulement probable, que les formes en question ont conservé des caractères distincts pendant une longue période, c’est un argument de grand poids pour qu’on les considère comme des espèces. On regarde généralement une certaine stérilité, lors du premier croisement de deux formes, ou lors du croisement de leurs rejetons, comme un critérium décisif de leur distinction spécifique ; lorsque ces deux formes persistent dans une même région sans s’y mélanger, on s’empresse d’admettre ce fait comme une preuve suffisante, soit d’une certaine stérilité réciproque, soit, quand il s’agit d’animaux, d’une certaine répugnance à s’accoupler.