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logie des vertébrés en nous basant sur les affinités mutuelles. Voyons maintenant l’homme, tel qu’il existe. Je crois que nous pourrons en partie reconstituer pendant des périodes consécutives, mais non dans leur véritable succession chronologique, la conformation de nos antiques ancêtres. Cette tâche est possible si nous étudions les rudiments que l’homme possède encore, si nous examinons les caractères qui, accidentellement, réapparaissent chez lui par retour, et si nous invoquons les principes de la morphologie et de l’embryologie. Les divers faits auxquels j’aurai à faire allusion ont été exposés dans les chapitres précédents.

Les premiers ancêtres de l’homme étaient sans doute couverts de poils, les deux sexes portaient la barbe ; leurs oreilles étaient probablement pointues et mobiles ; ils avaient une queue, desservie par des muscles propres. Leurs membres et leur corps étaient soumis à l’action de muscles nombreux, qui ne reparaissent aujourd’hui qu’accidentellement chez l’homme, mais qui sont encore normaux chez les quadrumanes. L’artère et le nerf de l’humérus passaient par l’ouverture supracondyloïde. À cette époque, ou pendant une période antérieure, l’intestin possédait un diverticulum ou cæcum plus grand que celui qui existe aujourd’hui. Le pied, à en juger par la condition du gros orteil chez le fœtus, devait être alors préhensible, et nos ancêtres vivaient sans doute habituellement sur les arbres, dans quelque pays chaud, couvert de forêts. Les mâles avaient de fortes canines qui constituaient pour eux des armes formidables.

À une époque antérieure, l’utérus était double ; les excrétions étaient expulsées par un cloaque, et l’œil était protégé par une troisième paupière ou membrane clignotante. En remontant plus haut encore, les ancêtres de l’homme menaient une vie aquatique : car la morphologie nous enseigne clairement que nos poumons ne sont qu’une vessie natatoire modifiée, qui servait autrefois de flotteur. Les fentes du cou de l’embryon humain indiquent la place où les branchies existaient alors. Les périodes lunaires de quelques-unes de nos fonctions périodiques semblent constituer une trace de notre patrie primitive, c’est-à-dire une côte lavée par les marées. Vers cette époque, les corps de Wolff (corpora Wolffiana) remplaçaient les reins. Le cœur n’existait qu’à l’état de simple vaisseau pulsatile ; et la chorda dorsalis occupait la place de la colonne vertébrale. Ces premiers prédécesseurs de l’homme, entrevus ainsi dans les profondeurs ténébreuses du passé, devaient avoir une organisation aussi simple que l’est celle de l’Amphioxus, peut-être même encore inférieure.