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à chaque mâchoire ; les Platyrrhinins, ou singes du nouveau monde, comprenant deux sous-groupes très distincts, tous caractérisés par des narines d’une conformation très différente, et la présence de six prémolaires à chaque mâchoire. On pourrait encore ajouter quelques autres légères différences. Or il est incontestable que, par sa dentition, par la conformation de ses narines, et sous quelques autres rapports, l’homme appartient à la division de l’ancien monde ou groupe catarrhinin ; et que, par aucun caractère, il ne ressemble de plus près aux platyrrhinins qu’aux catarrhinins, sauf sur quelques points peu importants et qui paraissent résulter d’adaptations. Il serait, par conséquent, contraire à toute probabilité de supposer que quelque ancienne espèce du nouveau monde ait, en variant, produit un être à l’aspect humain, qui aurait revêtu tous les caractères distinctifs de la division de l’ancien monde en perdant en même temps les siens propres. Il y a donc tout lieu de croire que l’homme est une branche de la souche simienne de l’ancien monde, et que, au point de vue généalogique, on doit le classer dans le groupe catarrhinin[1].

La plupart des naturalistes classent dans un sous-groupe distinct, dont ils excluent les autres singes de l’ancien monde, les singes anthropomorphes, à savoir le gorille, le chimpanzé, l’orang et l’hylobates. Je sais que Gratiolet, se basant sur la conformation du cerveau, n’admet pas l’existence de ce sous-groupe, qui est certainement un groupe accidenté. En effet, comme le fait remarquer M. Saint-George-Mivart[2], « l’orang est une des formes les plus particulières et les plus déviées qu’on trouve dans cet ordre. » Quelques naturalistes divisent encore les singes non anthropomorphes de l’ancien continent, en deux ou trois sous-groupes plus petits, dont le genre semnopithèque, avec son estomac tout boursouflé, constitue un des types. Les magnifiques découvertes de M. Gaudry dans l’Attique semblent prouver l’existence, pendant la période miocène, d’une forme reliant les Semnopithèques aux Macaques ; fait qui, si on le généralise, explique comment autrefois les autres groupes plus élevés se confondaient les uns avec les autres.

L’homme ressemble aux singes anthropomorphes, non seulement par tous les caractères qu’il possède en commun avec le groupe

  1. C’est presque la même classification que celle adoptée provisoirement par M. Saint-George-Mivart (Transac. Philos. Soc., 1867, p. 300), qui, après avoir séparé les Lémuriens, divise le reste des Primates en Hominidés et en Simiadés correspondant aux Catarrhinins ; et en Cébidés et en Hapalidés, — ces deux derniers groupes représentant les Platyrrhinins. M. Mivart défend encore la même opinion ; voir Nature, 1871, p. 481.
  2. Transac. Zoolog. Soc., vol. VI, 1867, p. 214.