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se marient tard, afin de pouvoir convenablement s’entretenir eux et leurs enfants. Ceux qui se marient jeunes produisent, dans une période donnée, non seulement un plus grand nombre de générations, mais encore, ainsi que l’a établi le docteur Duncan[1], beaucoup plus d’enfants. En outre, les enfants, nés de mères dans la fleur de l’âge, sont plus gros et plus pesants, et, en conséquence, probablement plus vigoureux que ceux nés à d’autres périodes. Il en résulte que les membres insouciants, dégradés et souvent vicieux de la société, tendent à s’accroître dans une proportion plus rapide que ceux qui sont plus prudents et ordinairement plus sages. Voici ce que dit à ce sujet M. Greg : « L’Irlandais, malpropre, sans ambition, insouciant, multiplie comme le lapin ; l’Écossais, frugal, prévoyant, plein de respect pour lui-même, ambitieux, moraliste rigide, spiritualiste, sagace et très intelligent, passe ses plus belles années dans la lutte et dans le célibat, se marie tard et ne laisse que peu de descendants. Étant donné un pays primitivement peuplé de mille Saxons et de mille Celtes, — au bout d’une douzaine de générations, les cinq sixièmes de la population seront Celtes, mais le dernier sixième, composé de Saxons, possédera les cinq sixièmes des biens, du pouvoir et de l’intelligence. Dans l’éternelle lutte pour l’existence, c’est la race inférieure et la moins favorisée qui aura prévalu, — et cela, non en vertu de ses bonnes qualités, mais en vertu de ses défauts. »

Cette tendance vers une marche rétrograde rencontre cependant quelques obstacles. Nous avons vu que l’intempérance entraîne un chiffre élevé de mortalité, et que le dérèglement des mœurs nuit à la propagation. Les classes les plus pauvres s’entassent dans les villes, et le docteur Stark, se basant sur les statistiques de dix années en Écosse[2] a pu démontrer qu’à tous les âges la mortalité est plus considérable dans les villes que dans les districts ruraux, « et que, pendant les cinq premières années de la vie, le chiffre de la mortalité urbaine est presque exactement le double de celui des campagnes. » Ces relevés comprenant le riche comme le pauvre, il n’est pas douteux qu’il faille un nombre double de naissances pour maintenir le chiffre des habitants pauvres des villes à la hauteur de celui des campagnes. Le mariage à un âge trop précoce est très nuisible aux femmes, car on a prouvé qu’en France, « il meurt

  1. Sur les Lois de la fécondité des femmes, dans Transactions Royal Soc. Edinburgh, vol. XXIV, p. 287, publié séparément depuis sous le titre, Fecundity, Fertitily and Sterility, 1871. Voir aussi M. Galton, Hereditary Genius pp. 352-337, pour des observations sur le même sujet.
  2. Dixième Rapport annuel des naissances, morts, etc., en Écosse, 1867, p. xxix.