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oiseaux imitent les chants de leurs parents, et, parfois aussi, ceux d’autres oiseaux ; chacun sait que les perroquets imitent tous les sons qu’ils entendent souvent. Bureau de la Malle[1] cite le cas d’un chien, élevé par une chatte, qui avait appris à imiter l’action si connue du chat qui se lèche les pattes pour se nettoyer ensuite la face et les oreilles ; le célèbre naturaliste Audouin a aussi observé ce fait, qui m’a, d’ailleurs, été confirmé de divers côtés. Un de mes correspondants m’écrit, par exemple, qu’il a possédé pendant treize ans un chien qui n’avait pas été nourri par une chatte, mais qui avait été élevé avec des petits chats et qui, ayant contracté l’habitude dont nous venons de parler, la garda jusqu’à sa mort. Le chien de Bureau de la Malle avait aussi emprunté aux jeunes chats l’habitude de jouer avec une balle en la roulant autour de ses pattes et en sautant dessus. Un correspondant m’affirme que sa chatte plongeait, pour les lécher ensuite, ses pattes dans une jarre pleine de lait, dont le goulot était trop étroit pour qu’elle pût y fourrer la tête ; un petit de cette chatte imita bientôt sa mère et garda jusqu’à sa mort l’habitude qu’il avait contractée.

On peut dire que les parents de beaucoup d’animaux, se fiant à cette tendance à l’imitation et surtout à leurs instincts héréditaires, font, pour ainsi dire, l’éducation de leurs petits. Qui n’a vu une chatte apporter une souris vivante à ses petits ? Bureau de la Malle, dans le mémoire que nous venons de citer, relate ses observations sur les faucons qui enseignent à leurs petits à avoir des mouvements rapides et à juger des distances en laissant tomber d’une grande hauteur des souris ou des hirondelles mortes jusqu’à ce qu’ils apprennent à les saisir, puis, qui continuent cette éducation en leur apportant des oiseaux vivants qu’ils lâchent en l’air.

Il n’est presque pas de faculté qui soit plus importante pour le progrès intellectuel de l’homme, que celle de l’attention. Elle se manifeste clairement chez les animaux ; lorsqu’un chat, par exemple, guette à côté d’un trou et se prépare à s’élancer sur sa proie. Les animaux sauvages ainsi occupés sont souvent absorbés au point qu’ils se laissent aisément approcher. M. Bartlett m’a fourni une preuve curieuse de la variabilité de cette faculté chez les singes. Un homme, qui dresse les singes à jouer certains rôles, avait l’habitude d’acheter à la Société zoologique des singes d’espèce commune au prix de 125 francs pièce, mais il en offrait le double si on lui permettait d’en garder trois ou quatre pendant quelques jours, pour faire son choix. On lui demanda comment il parvenait, en si peu

  1. Annales des Sc. nat., 1re série, vol. XXII, p. 397.