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bable pourtant que quelques-uns croyaient alors à l’évolution, mais ils restaient silencieux, ou ils s’exprimaient d’une manière tellement ambiguë, qu’il n’était pas facile de comprendre leur opinion. Aujourd’hui, tout a changé et presque tous les naturalistes admettent le grand principe de l’évolution. Il en est cependant qui croient encore que des espèces ont subitement engendré, par des moyens encore inexpliqués, des formes nouvelles totalement différentes ; mais, comme j’ai cherché à le démontrer, il y a des preuves puissantes qui s’opposent à toute admission de ces modifications brusques et considérables. Au point de vue scientifique, et comme conduisant à des recherches ultérieures, il n’y a que peu de différence entre la croyance que de nouvelles formes ont été produites subitement d’une manière inexplicable par d’anciennes formes très différentes, et la vieille croyance à la création des espèces au moyen de la poussière terrestre.

Jusqu’où, pourra-t-on me demander, poussez-vous votre doctrine de la modification des espèces ? C’est là une question à laquelle il est difficile de répondre, parce que plus les formes que nous considérons sont distinctes, plus les arguments en faveur de la communauté de descendance diminuent et perdent de leur force. Quelques arguments toutefois ont un très grand poids et une haute portée. Tous les membres de classes entières sont reliés les uns aux autres par une chaîne d’affinités, et peuvent tous, d’après un même principe, être classés en groupes subordonnés à d’autres groupes. Les restes fossiles tendent parfois à remplir d’immenses lacunes entre les ordres existants.

Les organes à l’état rudimentaire témoignent clairement qu’ils ont existé à un état développé chez un ancêtre primitif ; fait qui, dans quelques cas, implique des modifications considérables chez ses descendants. Dans des classes entières, des conformations très variées sont construites sur un même plan, et les embryons très jeunes se ressemblent de très près. Je ne puis donc douter que la théorie de la descendance avec modifications ne doive comprendre tous les membres d’une même grande classe ou d’un même règne. Je crois que tous les animaux descendent de quatre ou cinq formes primitives tout au plus, et toutes les plantes d’un nombre égal ou même moindre.