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  Récapitulation. 563

utiles que d’autres pour la classification ; pourquoi les caractères d’adaptation n’ont presque aucune importance dans ce but, bien qu’indispensables à l’individu ; pourquoi les caractères dérivés de parties rudimentaires, sans utilité pour l’organisme, peuvent souvent avoir une très grande valeur au point de vue de la classification ; pourquoi, enfin, les caractères embryologiques sont ceux qui, sous ce rapport, ont fréquemment le plus de valeur. Les véritables affinités des êtres organisés, au contraire de leurs ressemblances d’adaptation, sont le résultat héréditaire de la communauté de descendance. Le système naturel est un arrangement généalogique, où les degrés de différence sont désignés par les termes variétés, espèces, genres, familles, etc., dont il nous faut découvrir les lignées à l’aide des caractères permanents, quels qu’ils puissent être, et si insignifiante que soit leur importance vitale.

La disposition semblable des os dans la main humaine, dans l’aile de la chauve-souris, dans la nageoire du marsouin et dans la jambe du cheval ; le même nombre de vertèbres dans le cou de la girafe et dans celui de l’éléphant ; tous ces faits et un nombre infini d’autres semblables s’expliquent facilement par la théorie de la descendance avec modifications successives, lentes et légères. La similitude de type entre l’aile et la jambe de la chauve-souris, quoique destinées à des usages si différents ; entre les mâchoires et les pattes du crabe ; entre les pétales, les étamines et les pistils d’une fleur, s’explique également dans une grande mesure par la théorie de la modification graduelle de parties ou d’organes qui, chez l’ancêtre reculé de chacune de ces classes, étaient primitivement semblables. Nous voyons clairement, d’après le principe que les variations successives ne surviennent pas toujours à un âge précoce et ne sont héréditaires qu’à l’âge correspondant, pourquoi les embryons de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et de poissons, sont si semblables entre eux et si différents des formes adultes. Nous pouvons cesser de nous émerveiller de ce que les embryons d’un mammifère à respiration aérienne, ou d’un oiseau, aient des fentes branchiales et des artères en lacet, comme chez le poisson, qui doit, à l’aide de branchies bien développées, respirer l’air dissous dans l’eau.