556 | Récapitulation et conclusions. |
venimeux, certains poissons et certaines chauves-souris hideuses, ignobles caricatures de la face humaine. La sélection sexuelle a donné de brillantes couleurs, des formes élégantes et d’autres ornements aux mâles et parfois aussi aux femelles de beaucoup d’oiseaux, de papillons et de divers animaux. Elle a souvent rendu chez les oiseaux la voix du mâle harmonieuse pour la femelle, et agréable même pour nous. Les fleurs et les fruits, rendus apparents, et tranchant par leurs vives couleurs sur le fond vert du feuillage, attirent, les unes les insectes, qui, en les visitant, contribuent à leur fécondation, et les autres les oiseaux, qui, en dévorant les fruits, concourent à en disséminer les graines. Comment se fait-il que certaines couleurs, certains tons et certaines formes plaisent à l’homme ainsi qu’aux animaux inférieurs, c’est-à-dire comment se fait-il que les êtres vivants aient acquis le sens de la beauté dans sa forme la plus simple ? C’est ce que nous ne saurions pas plus dire que nous ne saurions expliquer ce qui a primitivement pu donner du charme à certaines odeurs et à certaines saveurs.
Comme la sélection naturelle agit au moyen de la concurrence, elle n’adapte et ne perfectionne les animaux de chaque pays que relativement aux autres habitants ; nous ne devons donc nullement nous étonner que les espèces d’une région quelconque, qu’on suppose, d’après la théorie ordinaire, avoir été spécialement créées et adaptées pour cette localité, soient vaincues et remplacées par des produits venant d’autres pays. Nous ne devons pas non plus nous étonner de ce que toutes les combinaisons de la nature ne soient pas à notre point de vue absolument parfaites, l’œil humain, par exemple, et même que quelques-unes soient contraires à nos idées d’appropriation. Nous ne devons pas nous étonner de ce que l’aiguillon de l’abeille cause souvent la mort de l’individu qui l’emploie ; de ce que les mâles, chez cet insecte, soient produits en aussi grand nombre pour accomplir un seul acte, et soient ensuite massacrés par leurs sœurs stériles ; de l’énorme gaspillage du pollen de nos pins ; de la haine instinctive qu’éprouve la reine abeille pour ses filles fécondes ; de ce que l’ichneumon s’établisse dans le corps vivant d’une chenille et se nourrisse à ses dépens, et de tant d’autres cas analogues. Ce qu’il y a réellement de plus étonnant dans la théorie de la sélection naturelle,