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522 Affinités mutuelles des êtres organisés.  

à cet égard. De même les deux principaux groupes des cirripèdes, les pédonculés et les sessiles, bien que très différents par leur aspect extérieur, ont des larves qu’on peut à peine distinguer les unes des autres pendant les phases successives de leur développement.

Dans le cours de son évolution, l’organisation de l’embryon s’élève généralement ; j’emploie cette expression, bien que je sache qu’il est presque impossible de définir bien nettement ce qu’on entend par une organisation plus ou moins élevée. Toutefois, nul ne constatera probablement que le papillon est plus élevé que la chenille. Il y a néanmoins des cas où l’on doit considérer l’animal adulte comme moins élevé que sa larve dans l’échelle organique ; tels sont, par exemple, certains crustacés parasites. Revenons encore aux cirripèdes, dont les larves, pendant la première phase du développement, ont trois paires de pattes, un œil unique et simple, et une bouche en forme de trompe, avec laquelle elles mangent beaucoup, car elles augmentent rapidement en grosseur. Pendant la seconde phase, qui correspond à l’état de chrysalide chez le papillon, elles ont six paires de pattes natatoires admirablement construites, une magnifique paire d’yeux composés et des antennes très compliquées ; mais leur bouche est très imparfaite et hermétiquement close, de sorte qu’elles ne peuvent manger. Dans cet état, leur seule fonction est de chercher, grâce au développement des organes des sens, et d’atteindre, au moyen de leur appareil de natation, un endroit convenable auquel elles puissent s’attacher pour y subir leur dernière métamorphose. Ceci fait, elles demeurent attachées à leur rocher pour le reste de leur vie ; leurs pattes se transforment en organes préhensiles ; une bouche bien conformée reparaît, mais elles n’ont plus d’antennes, et leurs deux yeux sont de nouveau remplacés par un seul petit œil très simple, semblable à un point. Dans cet état complet, qui est le dernier, les cirripèdes peuvent être également considérés comme ayant une organisation plus ou moins élevée que celle qu’ils avaient à l’état de larve. Mais, dans quelques genres, les larves se transforment, soit en hermaphrodites présentant la conformation ordinaire, soit en ce que j’ai appelé des mâles complémentaires ; chez ces derniers, le développement est certainement rétrograde, car ils