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formeront qu’un seul genre, puisque nous supposons qu’ils se sont peu modifiés ; mais ce genre, quoique fort isolé, n’en occupera pas moins la position intermédiaire qui lui est propre. La représentation des groupes indiquée dans la figure sur une surface plane est beaucoup trop simple. Les branches devraient diverger dans toutes les directions. Si nous nous étions bornés à placer en série linéaire les noms des groupes, nous aurions encore moins pu figurer un arrangement naturel, car il est évidemment impossible de représenter par une série, sur une surface plane, les affinités que nous observons dans la nature entre les êtres d’un même groupe. Ainsi donc, le système naturel ramifié ressemble à un arbre généalogique ; mais la somme des modifications éprouvées par les différents groupes doit exprimer leur arrangement en ce qu’on appelle genres, sous-familles, familles, sections, ordres et classes.

Pour mieux faire comprendre cet exposé de la classification, prenons un exemple tiré des diverses langues humaines. Si nous possédions l’arbre généalogique complet de l’humanité, un arrangement généalogique des races humaines présenterait la meilleure classification des diverses langues parlées actuellement dans le monde entier ; si toutes les langues mortes et tous les dialectes intermédiaires et graduellement changeants devaient y être introduits, un tel groupement serait le seul possible. Cependant, il se pourrait que quelques anciennes langues, s’étant fort peu altérées, n’eussent engendré qu’un petit nombre de langues nouvelles ; tandis que d’autres, par suite de l’extension, de l’isolement, ou de l’état de civilisation des différentes races codescendantes, auraient pu se modifier considérablement et produire ainsi un grand nombre de nouveaux dialectes et de nouvelles langues. Les divers degrés de différences entre les langues dérivant d’une même souche devraient donc s’exprimer par des groupes subordonnés à d’autres groupes ; mais le seul arrangement convenable ou même possible serait encore l’ordre généalogique. Ce serait, en même temps, l’ordre strictement naturel, car il rapprocherait toutes les langues mortes et vivantes, suivant leurs affinités les plus étroites, en indiquant la filiation et l’origine de chacune d’elles.

Pour vérifier cette hypothèse, jetons un coup d’œil sur la