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480 Distribution géographique.  

Madère et la petite île adjacente de Porto Santo possèdent plusieurs espèces distinctes, mais représentatives, de coquillages terrestres, parmi lesquels il en est quelques-uns qui vivent dans les crevasses des rochers ; or, on transporte annuellement de Porto Santo à Madère de grandes quantités de pierres, sans que l’espèce de la première île se soit jamais introduite dans la seconde, bien que les deux îles aient été colonisées par des coquillages terrestres européens, doués sans doute de quelque supériorité sur les espèces indigènes. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu d’être surpris de ce que les espèces indigènes qui habitent les diverses îles de l’archipel Galapagos ne se soient pas répandues d’une île à l’autre. L’occupation antérieure a probablement aussi contribué dans une grande mesure, sur un même continent, à empêcher le mélange d’espèces habitant des régions distinctes, bien qu’offrant des conditions physiques semblables. C’est ainsi que les angles sud-est et sud-ouest de l’Australie, bien que présentant des conditions physiques à peu près analogues, et bien que formant un tout continu, sont cependant peuplés par un grand nombre de mammifères, d’oiseaux et de végétaux distincts ; il en est de même, selon M. Bates, pour les papillons et les autres animaux qui habitent la grande vallée ouverte et continue des Amazones.

Le principe qui règle le caractère général des habitants des îles océaniques, c’est-à-dire leurs rapports étroits avec la région qui a pu le plus facilement leur envoyer des colons, ainsi que leur modification ultérieure, est susceptible de nombreuses applications dans la nature ; on en voit la preuve sur chaque montagne, dans chaque lac et dans chaque marais. Les espèces alpines, en effet, si l’on en excepte celles qui, lors de la dernière période glaciaire, se sont largement répandues, se rattachent aux espèces habitant les basses terres environnantes. Ainsi, dans l’Amérique du Sud, on trouve des espèces alpines d’oiseaux-mouches, de rongeurs, de plantes, etc., toutes formes appartenant à des types strictement américains ; il est évident, en effet, qu’une montagne, pendant son lent soulèvement, a dû être colonisée par les habitants des plaines adjacentes. Il en est de même des habitants des lacs et des marais, avec cette réserve que de plus grandes facilités de dispersion ont