Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.
478 Distribution géographique.  

un faible degré, dans les îles si rapprochées les unes des autres, ayant la même nature géologique, la même altitude, le même climat, etc. ? Ceci m’a longtemps embarrassé ; mais la difficulté provient surtout de la tendance erronée, mais profondément enracinée dans notre esprit, qui nous porte à toujours regarder les conditions physiques d’un pays comme le point le plus essentiel ; tandis qu’il est incontestable que la nature des autres habitants, avec lesquels chacun est en lutte, constitue un point tout aussi essentiel, et qui est généralement un élément de succès beaucoup plus important. Or, si nous examinons les espèces qui habitent les îles Galapagos, et qui se trouvent également dans d’autres parties du monde, nous trouvons qu’elles diffèrent beaucoup dans les diverses îles. Cette différence était à prévoir, si l’on admet que les îles ont été peuplées par des moyens accidentels de transport, une graine d’une plante ayant pu être apportée dans une île, par exemple, et celle d’une plante différente dans une autre, bien que toutes deux aient une même origine générale. Il en résulte que, lorsque autrefois un immigrant aura pris pied sur une des îles, ou aura ultérieurement passé de l’une à l’autre, il aura sans doute été exposé dans les diverses îles à des conditions différentes ; car il aura eu à lutter contre des ensembles d’organismes différents ; une plante, par exemple, trouvant le terrain qui lui est le plus favorable occupé par des formes un peu diverses suivant les îles, aura eu à résister aux attaques d’ennemis différents. Si cette plante s’est alors mise à varier, la sélection naturelle aura probablement favorisé dans chaque île des variétés également un peu différentes. Toutefois, quelques espèces auront pu se répandre et conserver leurs mêmes caractères dans tout l’archipel, de même que nous voyons quelques espèces largement disséminées sur un continent rester partout les mêmes.

Le fait réellement surprenant dans l’archipel Galapagos, fait que l’on remarque aussi à un moindre degré dans d’autres cas analogues, c’est que les nouvelles espèces une fois formées dans une île ne se sont pas répandues promptement dans les autres. Mais les îles, bien qu’en vue les unes des autres, sont séparées par des bras de mer très profonds, presque toujours plus larges que la Manche, et rien ne fait supposer qu’elles aient été autre-