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  Habitants des îles océaniques. 467

j’examinerai certains autres faits, qui ont quelque portée sur la théorie des créations indépendantes ou sur celle de la descendance avec modifications.

Les espèces de toutes sortes qui peuplent les îles océaniques sont en petit nombre, si on les compare à celles habitant des espaces continentaux d’égale étendue ; Alph. de Candolle admet ce fait pour les plantes, et Wollaston pour les insectes. La Nouvelle-Zélande, par exemple, avec ses montagnes élevées et ses stations variées, qui couvre plus de 1250 kilomètres en latitude, jointe aux îles voisines d’Auckland, de Campbell et de Chatham, ne renferme en tout que 960 espèces de plantes à fleurs. Si nous comparons ce chiffre modeste à celui des espèces qui fourmillent sur des superficies égales dans le sud-ouest de l’Australie ou au cap de Bonne-Espérance, nous devons reconnaître qu’une aussi grande différence en nombre doit provenir de quelque cause tout à fait indépendante d’une simple différence dans les conditions physiques. Le comté de Cambridge, pourtant si uniforme, possède 847 espèces de plantes, et la petite île d’Anglesea, 764 ; il est vrai que quelques fougères et une petite quantité de plantes introduites par l’homme sont comprises dans ces chiffres, et que, sous plusieurs rapports, la comparaison n’est pas très juste. Nous avons la preuve que l’île de l’Ascension, si stérile, ne possédait pas primitivement plus d’une demi-douzaine d’espèces de plantes à fleurs ; cependant, il en est un grand nombre qui s’y sont acclimatées, comme à la Nouvelle-Zélande, ainsi que dans toutes les îles océaniques connues. À Sainte-Hélène, il y a toute raison de croire que les plantes et les animaux acclimatés ont exterminé, ou à peu près, un grand nombre de productions indigènes. Quiconque admet la doctrine des créations séparées pour chaque espèce devra donc admettre aussi que le nombre suffisant des plantes et des animaux les mieux adaptés n’a pas été créé pour les îles océaniques, puisque l’homme les a involontairement peuplées plus parfaitement et plus richement que ne l’a fait la nature.

Bien que, dans les îles océaniques, les espèces soient peu nombreuses, la proportion des espèces endémiques, c’est-à-dire qui ne se trouvent nulle part ailleurs sur le globe, y est souvent très grande. On peut établir la vérité de cette assertion en com-