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30 de la variation à l’état domestique.  

PRINCIPES DE SÉLECTION ANCIENNEMENT APPLIQUÉS ET DE LEURS EFFETS.

Considérons maintenant, en quelques lignes, la formation graduelle de nos races domestiques, soit qu’elles dérivent d’une seule espèce, soit qu’elles procèdent de plusieurs espèces voisines. On peut attribuer quelques effets à l’action directe et définie des conditions extérieures d’existence, quelques autres aux habitudes, mais il faudrait être bien hardi pour expliquer, par de telles causes, les différences qui existent entre le cheval de trait et le cheval de course, entre le Limier et le Lévrier, entre le pigeon Messager et le pigeon Culbutant. Un des caractères les plus remarquables de nos races domestiques, c’est que nous voyons chez elles des adaptations qui ne contribuent en rien au bien-être de l’animal ou de la plante, mais simplement à l’avantage ou au caprice de l’homme. Certaines variations utiles à l’homme se sont probablement produites soudainement, d’autres par degrés ; quelques naturalistes, par exemple, croient que le Chardon à foulon armé de crochets, que ne peut remplacer aucune machine, est tout simplement une variété du Dipsacus sauvage ; or, cette transformation peut s’être manifestée dans un seul semis. Il en a été probablement ainsi pour le chien Tournebroche ; on sait, tout au moins, que le mouton Ancon a surgi d’une manière subite. Mais il faut, si l’on compare le cheval de trait et le cheval de course, le dromadaire et le chameau, les diverses races de moutons adaptées soit aux plaines cultivées, soit aux pâturages des montagnes, et dont la laine, suivant la race, est appropriée tantôt à un usage, tantôt à un autre ; si l’on compare les différentes races de chiens, dont chacune est utile à l’homme à des points de vue divers ; si l’on compare le coq de combat, si enclin à la bataille, avec d’autres races si pacifiques, avec les pondeuses perpétuelles qui ne demandent jamais à couver, et avec le coq Bantam, si petit et si élégant ; si l’on considère, enfin, cette légion de plantes agricoles et culinaires, les arbres qui encombrent nos vergers, les fleurs qui ornent nos jardins, les unes si utiles à l’homme en différentes saisons et pour tant d’usages divers, ou seule-