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  Périodes glaciaires alternantes. 459

pour leur migration et pour que les modifications nécessaires aient pu s’effectuer. Ces faits me semblent indiquer que des espèces distinctes appartenant aux mêmes genres ont émigré d’un centre commun en suivant des lignes rayonnantes, et me portent à croire que, dans l’hémisphère austral, de même que dans l’hémisphère boréal, la période glaciaire a été précédée d’une époque plus chaude, pendant laquelle les terres antarctiques, actuellement couvertes de glaces, ont nourri une flore isolée et toute particulière. On peut supposer qu’avant d’être exterminées pendant la dernière période glaciaire quelques formes de cette flore ont été transportées dans de nombreuses directions par des moyens accidentels, et, à l’aide d’îles intermédiaires, depuis submergées, sur divers points de l’hémisphère austral.

C’est ainsi que les côtes méridionales de l’Amérique, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande se trouveraient présenter en commun ces formes particulières d’êtres organisés.

Sir C. Lyell a, dans des pages remarquables, discuté, dans un langage presque identique au mien, les effets des grandes alternances du climat sur la distribution géographique dans l’univers entier. Nous venons de voir que la conclusion à laquelle est arrivé M. Croll, relativement à la succession de périodes glaciaires dans un des hémisphères, coïncidant avec des périodes de chaleur dans l’autre hémisphère, jointe à la lente modification des espèces, explique la plupart des faits que présentent, dans leur distribution sur tous les points du globe, les formes organisées identiques, et celles qui sont étroitement alliées. Les ondes vivantes ont, pendant certaines périodes, coulé du nord au sud et réciproquement, et dans les deux cas, ont atteint l’équateur ; mais le courant de la vie a toujours été beaucoup plus considérable du nord au sud que dans le sens contraire, et c’est, par conséquent, celui du nord qui a le plus largement inondé l’hémisphère austral. De même que le flux dépose en lignes horizontales les débris qu’il apporte sur les grèves, s’élevant plus haut sur les côtes où la marée est plus forte, de même les ondes vivantes ont laissé sur les hauts sommets leurs épaves vivantes, suivant une ligne s’élevant lentement depuis les basses plaines arctiques jusqu’à une grande altitude sous l’équateur. On peut