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  Périodes glaciaires alternantes. 457

perfection supérieur, qui leur aura assuré la prépondérance sur les formes méridionales. Aussi, lorsque les deux catégories de formes se sont mélangées dans les régions équatoriales, pendant les alternances des périodes glaciaires, les formes septentrionales, plus vigoureuses, se sont trouvées plus aptes à garder leur place sur les montagnes, et ensuite à s’avancer vers le sud avec les formes méridionales, tandis que celles-ci n’ont pas pu remonter vers le nord avec les formes septentrionales. C’est ainsi que nous voyons aujourd’hui de nombreuses productions européennes envahir la Plata, la Nouvelle-Zélande, et, à un moindre degré, l’Australie, et vaincre les formes indigènes ; tandis que fort peu de formes méridionales se naturalisent dans l’hémisphère boréal, bien qu’on ait abondamment importé en Europe, depuis deux ou trois siècles, de la Plata, et, depuis ces quarante ou cinquante dernières années, d’Australie, des peaux, de la laine et d’autres objets de nature à recéler des graines. Les monts Nillgherries de l’Inde offrent cependant une exception partielle ; car, ainsi que me l’apprend le docteur Hooker, les formes australiennes s’y naturalisent rapidement. Il n’est pas douteux qu’avant la dernière période glaciaire les montagnes intertropicales ont été peuplées par des formes alpines endémiques ; mais celles-ci ont presque partout cédé la place aux formes plus dominantes, engendrées dans les régions plus étendues et les ateliers plus actifs du nord. Dans beaucoup d’îles, les productions indigènes sont presque égalées ou même déjà dépassées par des formes étrangères acclimatées ; circonstance qui est un premier pas fait vers leur extinction complète. Les montagnes sont des îles sur la terre ferme, et leurs habitants ont cédé la place à ceux provenant des régions plus vastes du nord, tout comme les habitants des véritables îles ont partout disparu et disparaissent encore devant les formes continentales acclimatées par l’homme.

Les mêmes principes s’appliquent à la distribution des animaux terrestres et des formes marines, tant dans les zones tempérées de l’hémisphère boréal et de l’hémisphère austral que sur les montagnes intertropicales. Lorsque, pendant l’apogée de la période glaciaire, les courants océaniques étaient fort différents de ce qu’ils sont aujourd’hui, quelques habitants des mers