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456 Distribution géographique.  

Le cours régulier des phénomènes amenant une période glaciaire dans l’hémisphère austral et une surabondance de chaleur dans l’hémisphère boréal, les formes tempérées méridionales ont dû à leur tour envahir les plaines équatoriales. Les formes septentrionales, autrefois restées sur les montagnes, ont dû descendre alors et se mélanger avec les formes méridionales. Ces dernières, au retour de la chaleur, ont dû se retirer vers leur ancien habitat, en laissant quelques espèces sur les sommets, et en emmenant avec elles vers le sud quelques-unes des formes tempérées du nord qui étaient descendues de leurs positions élevées sur les montagnes. Nous devons donc trouver quelques espèces identiques dans les zones tempérées boréales et australes et sur les sommets des montagnes des régions tropicales intermédiaires. Mais les espèces reléguées ainsi pendant longtemps sur les montagnes, ou dans un autre hémisphère, ont dû être obligées d’entrer en concurrence avec de nombreuses formes nouvelles et se sont trouvées exposées à des conditions physiques un peu différentes ; ces espèces, pour ces motifs, ont dû subir de grandes modifications, et doivent actuellement exister sous forme de variétés ou d’espèces représentatives ; or, c’est là ce qui se présente. Il faut aussi se rappeler l’existence de périodes glaciaires antérieures dans les deux hémisphères, fait qui nous explique, selon les mêmes principes, le nombre des espèces distinctes qui habitent des régions analogues très éloignées les unes des autres, espèces appartenant à des genres qui ne se rencontrent plus maintenant dans les zones torrides intermédiaires.

Il est un fait remarquable sur lequel le docteur Hooker a beaucoup insisté à l’égard de l’Amérique, et Alph. de Candolle à l’égard de l’Australie, c’est qu’un bien plus grand nombre d’espèces identiques ou légèrement modifiées ont émigré du nord au sud que du sud au nord. On rencontre cependant quelques formes méridionales sur les montagnes de Bornéo et d’Abyssinie. Je pense que cette migration plus considérable du nord au sud est due à la plus grande étendue des terres dans l’hémisphère boréal et à la plus grande quantité des formes qui les habitent ; ces formes, par conséquent, ont dû se trouver, grâce à la sélection naturelle et à une concurrence plus active, dans un état de