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  Périodes glaciaires alternantes. 455

Seemann a trouvé, à 2000 pieds seulement de hauteur, une végétation semblable à celle de Mexico, et présentant un « harmonieux mélange des formes de la zone torride avec celles des régions tempérées ».

Voyons maintenant si l’hypothèse de M. Croll sur une période plus chaude dans l’hémisphère austral, pendant que l’hémisphère boréal subissait le froid intense de l’époque glaciaire, jette quelque lumière sur cette distribution, inexplicable en apparence, des divers organismes dans les parties tempérées des deux hémisphères, et sur les montagnes des régions tropicales. Mesurée en années, la période glaciaire doit avoir été très longue, plus que suffisante, en un mot, pour expliquer toutes les migrations, si l’on considère combien il a fallu peu de siècles pour que certaines plantes et certains animaux naturalisés se répandent sur d’immenses espaces. Nous savons que les formes arctiques ont envahi les régions tempérées à mesure que l’intensité du froid augmentait, et, d’après les faits que nous venons de citer, il faut admettre que quelques-unes des formes tempérées les plus vigoureuses, les plus dominantes et les plus répandues, ont dû alors pénétrer jusque dans les plaines équatoriales. Les habitants de ces plaines équatoriales ont dû, en même temps, émigrer vers les régions intertropicales de l’hémisphère sud, plus chaud à cette époque. Sur le déclin de la période glaciaire, les deux hémisphères reprenant graduellement leur température précédente, les formes tempérées septentrionales occupant les plaines équatoriales ont dû être repoussées vers le nord, ou détruites et remplacées par les formes équatoriales revenant du sud. Il est cependant très probable que quelques-unes de ces formes tempérées se sont retirées sur les parties les plus élevées de la région ; or, si ces parties étaient assez élevées, elles y ont survécu et y sont restées, comme les formes arctiques sur les montagnes de l’Europe. Dans le cas même où le climat ne leur aurait pas parfaitement convenu, elles ont dû pouvoir survivre, car le changement de température a dû être fort lent, et le fait que les plantes transmettent à leurs descendants des aptitudes constitutionnelles différentes pour résister à la chaleur et au froid, prouve qu’elles possèdent incontestablement une certaine aptitude à l’acclimatation.