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24 de la variation à l’état domestique.  

duire un Grosse-gorge en croisant deux races, à moins que l’une des races ascendantes ne possède son énorme jabot caractéristique ? Les types originels supposés doivent tous avoir été habitants des rochers comme le Biset, c’est-à-dire des espèces qui ne perchaient ou ne nichaient pas volontiers sur les arbres. Mais, outre le Columba livia et ses sous-espèces géographiques, on ne connaît que deux ou trois autres espèces de pigeons de roche et elles ne présentent aucun des caractères propres aux races domestiques. Les espèces primitives doivent donc, ou bien exister encore dans les pays où elles ont été originellement réduites en domesticité, auquel cas elles auraient échappé à l’attention des ornithologistes, ce qui, considérant leur taille, leurs habitudes et leur remarquable caractère, semble très improbable ; ou bien être éteintes à l’état sauvage. Mais il est difficile d’exterminer des oiseaux nichant au bord des précipices et doués d’un vol puissant. Le Biset commun, d’ailleurs, qui a les mêmes habitudes que les races domestiques, n’a été exterminé ni sur les petites îles qui entourent la Grande-Bretagne, ni sur les côtes de la Méditerranée. Ce serait donc faire une supposition bien hardie que d’admettre l’extinction d’un aussi grand nombre d’espèces ayant des habitudes semblables à celles du Biset. En outre, les races domestiques dont nous avons parlé plus haut ont été transportées dans toutes les parties du monde ; quelques-unes, par conséquent, ont dû être ramenées dans leur pays d’origine ; aucune d’elles, cependant, n’est retournée à l’état sauvage, bien que le pigeon de colombier, qui n’est autre que le Biset sous une forme très peu modifiée, soit redevenu sauvage en plusieurs endroits. Enfin, l’expérience nous prouve combien il est difficile d’amener un animal sauvage à se reproduire régulièrement en captivité ; cependant, si l’on admet l’hypothèse de l’origine multiple de nos pigeons, il faut admettre aussi que sept ou huit espèces au moins ont été autrefois assez complètement apprivoisées par l’homme à demi sauvage pour devenir parfaitement fécondes en captivité.

Il est un autre argument qui me semble avoir un grand poids et qui peut s’appliquer à plusieurs autres cas : c’est que les races dont nous avons parlé plus haut, bien que ressemblant de manière générale au Biset sauvage par leur constitution, leurs habitudes, leur voix, leur couleur, et par la plus grande partie