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398 Succession géologique des êtres organisés.  

douces. On comprend donc pourquoi l’extinction complète d’un groupe est généralement, comme nous l’avons vu, beaucoup plus lente que sa production.

Quant à la soudaine extinction de familles ou d’ordres entiers, tels que le groupe des trilobites à la fin de l’époque paléozoïque, ou celui des ammonites à la fin de la période secondaire, nous rappellerons ce que nous avons déjà dit sur les grands intervalles de temps qui ont dû s’écouler entre nos formations consécutives, intervalles pendant lesquels il a pu s’effectuer une extinction lente, mais considérable. En outre, lorsque, par suite d’immigrations subites ou d’un développement plus rapide qu’à l’ordinaire, plusieurs espèces d’un nouveau groupe s’emparent d’une région quelconque, beaucoup d’espèces anciennes doivent être exterminées avec une rapidité correspondante ; or, les formes ainsi supplantées sont probablement proches alliées, puisqu’elles possèdent quelque commun défaut.

Il me semble donc que le mode d’extinction des espèces isolées ou des groupes d’espèces s’accorde parfaitement avec la théorie de la sélection naturelle. Nous ne devons pas nous étonner de l’extinction, mais plutôt de notre présomption à vouloir nous imaginer que nous comprenons les circonstances complexes dont dépend l’existence de chaque espèce. Si nous oublions un instant que chaque espèce tend à se multiplier à l’infini, mais qu’elle est constamment tenue en échec par des causes que nous ne comprenons que rarement, toute l’économie de la nature est incompréhensible. Lorsque nous pourrons dire précisément pourquoi telle espèce est plus abondante que telle autre en individus, ou pourquoi telle espèce et non pas telle autre peut être naturalisée dans un pays donné, alors seulement nous aurons le droit de nous étonner de ce que nous ne pouvons pas expliquer l’extinction de certaines espèces ou de certains groupes.

DES CHANGEMENTS PRESQUE INSTANTANÉS DES FORMES VIVANTES DANS LE MONDE.

L’une des découvertes les plus intéressantes de la paléontologie, c’est que les formes de la vie changent dans le monde