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384 Insuffisance des documents géologiques.  

mais, à en juger par le peu d’importance des changements organiques qui ont eu lieu depuis le commencement de l’époque glaciaire, cette durée paraît courte relativement aux modifications nombreuses et considérables que les formes vivantes ont subies depuis la formation cumbrienne. Quant aux 140 millions d’années antérieures, c’est à peine si l’on peut les considérer comme suffisantes pour le développement des formes variées qui existaient déjà pendant l’époque cumbrienne. Il est toutefois probable, ainsi que le fait expressément remarquer sir W. Thompson, que pendant ces périodes primitives le globe devait être exposé à des changements plus rapides et plus violents dans ses conditions physiques qu’il ne l’est actuellement ; d’où aussi des modifications plus rapides chez les êtres organisés qui habitaient la surface de la terre à ces époques reculées.

Pourquoi ne trouvons-nous pas des dépôts riches en fossiles appartenant à ces périodes primitives antérieures à l’époque cumbrienne ? C’est là une question à laquelle je ne peux faire aucune réponse satisfaisante. Plusieurs géologues éminents, sir R. Murchison à leur tête, étaient, tout récemment encore, convaincus que nous voyons les premières traces de la vie dans les restes organiques que nous fournissent les couches siluriennes les plus anciennes. D’autres juges, très compétents, tels que Lyell et E. Forbes, ont contesté cette conclusion. N’oublions point que nous ne connaissons un peu exactement qu’une bien petite portion du globe. Il n’y a pas longtemps que M. Barrande a ajouté au système silurien un nouvel étage inférieur, peuplé de nombreuses espèces nouvelles et spéciales ; plus récemment encore, M. Hicks a trouvé, dans le sud du pays de Galles, des couches appartenant à la formation cumbrienne inférieure, riches en trilobites, et contenant en outre divers mollusques et divers annélides. La présence de nodules phosphatiques et de matières bitumineuses, même dans quelques-unes des roches azoïques, semble indiquer l’existence de la vie dès ces périodes. L’existence de l’Eozoon dans la formation laurentienne, au Canada, est généralement admise. Il y a au Canada, au-dessous du système silurien, trois grandes séries de couches ; c’est dans la plus ancienne qu’on a trouvé l’Eozoon. Sir W. Logan affirme « que l’épaisseur des trois séries réunies dépasse probablement de beaucoup celle de toutes les