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  Absence des variétés intermédiaires. 371

l’Amérique. Lorsque les couches de sédiment déposées dans des eaux peu profondes à l’embouchure du Mississipi, pendant une partie de la période glaciaire, se seront soulevées, les restes organiques qu’elles contiennent apparaîtront et disparaîtront probablement à différents niveaux, en raison des migrations des espèces et des changements géographiques. Dans un avenir éloigné, un géologue examinant ces couches pourra être tenté de conclure que la durée moyenne de la persistance des espèces fossiles enfouies a été inférieure à celle de la période glaciaire, tandis qu’elle aura réellement été beaucoup plus grande, puisqu’elle s’étend dès avant l’époque glaciaire jusqu’à nos jours.

Pour qu’on puisse trouver une série de formes parfaitement graduées entre deux espèces enfouies dans la partie supérieure ou dans la partie inférieure d’une même formation, il faudrait que celle-ci eût continué de s’accumuler pendant une période assez longue pour que les modifications toujours lentes des espèces aient eu le temps de s’opérer. Le dépôt devrait donc être extrêmement épais ; il aurait fallu, en outre, que l’espèce en voie de se modifier ait habité tout le temps dans la même région. Mais nous avons vu qu’une formation considérable, également riche en fossiles dans toute son épaisseur, ne peut s’accumuler que pendant une période d’affaissement ; et, pour que la profondeur reste sensiblement la même, condition nécessaire pour qu’une espèce marine quelconque puisse continuer à habiter le même endroit, il faut que l’apport des sédiments compense à peu près l’affaissement. Or, le même mouvement d’affaissement tendant aussi à submerger les terrains qui fournissent les matériaux du sédiment lui-même, il en résulte que la quantité de ce dernier tend à diminuer tant que le mouvement d’affaissement continue. Un équilibre approximatif entre la rapidité de production des sédiments et la vitesse de l’affaissement est donc probablement un fait rare ; beaucoup de paléontologistes ont, en effet, remarqué que les dépôts très épais sont ordinairement dépourvus de fossiles, sauf vers leur limite supérieure ou inférieure.

Il semble même que chaque formation distincte, de même que toute la série des formations d’un pays, s’est en général accumulée de façon intermittente. Lorsque nous voyons, comme cela arrive si souvent, une formation constituée par des couches de composition