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mais moins fréquemment que chez les métis, je l’avoue. D’après les renseignements que j’ai recueillis sur les animaux croisés ressemblant de très près à un de leurs parents, j’ai toujours vu que les ressemblances portent surtout sur des caractères de nature un peu monstrueuse, et qui ont subitement apparu — tels que l’albinisme, le mélanisme, le manque de queue ou de cornes, la présence de doigts ou d’orteils supplémentaires — et nullement sur ceux qui ont été lentement acquis par voie de sélection. La tendance au retour soudain vers le caractère parfait de l’un ou de l’autre parent doit aussi se présenter plus fréquemment chez les métis qui descendent de variétés souvent produites subitement et ayant un caractère semi-monstrueux, que chez les hybrides, qui proviennent d’espèces produites naturellement et lentement. En somme, je suis d’accord avec le docteur Prosper Lucas, qui, après avoir examiné un vaste ensemble de faits relatifs aux animaux, conclut que les lois de la ressemblance d’un enfant avec ses parents sont les mêmes, que les parents diffèrent peu ou beaucoup l’un de l’autre, c’est-à-dire que l’union ait lieu entre deux individus appartenant à la même variété, à des variétés différentes ou à des espèces distinctes.

La question de la fécondité ou de la stérilité mise de côté, il semble y avoir, sous tous les autres rapports, une identité générale entre les descendants de deux espèces croisées et ceux de deux variétés. Cette identité serait très surprenante dans l’hypothèse d’une création spéciale des espèces, et de la formation des variétés par des lois secondaires ; mais elle est en harmonie complète avec l’opinion qu’il n’y a aucune distinction essentielle à établir entre les espèces et les variétés.

RÉSUMÉ.

Les premiers croisements entre des formes assez distinctes pour constituer des espèces, et les hybrides qui en proviennent, sont très généralement, quoique pas toujours stériles. La stérilité se manifeste à tous les degrés ; elle est parfois assez faible pour que les expérimentateurs les plus soigneux aient été conduits aux conclusions les plus opposées quand ils ont voulu clas-