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346 Hybridité.  

affirme en outre que, lorsqu’on croise les variétés jaunes et blanches d’une espèce avec les variétés jaunes et blanches d’une espèce distincte, les croisements opérés entre fleurs de couleur semblable produisent plus de graines que ceux faits entre fleurs de couleur différente. M. Scott a aussi entrepris des expériences sur les espèces et les variétés de verbascum, et, bien qu’il n’ait pas pu confirmer les résultats de Gärtner sur les croisements entre espèces distinctes, il a trouvé que les variétés dissemblablement colorées d’une même espèce croisées ensemble donnent moins de graines, dans la proportion de 86 pour 100, que les variétés de même couleur fécondées l’une par l’autre. Ces variétés ne diffèrent cependant que sous le rapport de la couleur de la fleur, et quelquefois une variété s’obtient de la graine d’une autre.

Kölreuter, dont tous les observateurs subséquents ont confirmé l’exactitude, a établi le fait remarquable qu’une des variétés du tabac ordinaire est bien plus féconde que les autres, en cas de croisement avec une autre espèce très distincte. Il fit porter ses expériences sur cinq formes, considérées ordinairement comme des variétés, qu’il soumit à l’épreuve du croisement réciproque ; les hybrides provenant de ces croisements furent parfaitement féconds. Toutefois, sur cinq variétés, une seule, employée soit comme élément mâle, soit comme élément femelle, et croisée avec la Nicotiana glutinosa, produisit toujours des hybrides moins stériles que ceux provenant du croisement des quatre autres variétés avec la même Nicotiana glutinosa. Le système reproducteur de cette variété particulière a donc dû être modifié de quelque manière et en quelque degré.

Ces faits prouvent que les variétés croisées ne sont pas toujours parfaitement fécondes. La grande difficulté de faire la preuve de la stérilité des variétés à l’état de nature — car toute variété supposée, reconnue comme stérile à quelque degré que ce soit, serait aussitôt considérée comme constituant une espèce distincte ; — le fait que l’homme ne s’occupe que des caractères extérieurs chez ses variétés domestiques, lesquelles n’ont pas été d’ailleurs exposées pendant longtemps à des conditions uniformes, — sont autant de considérations qui nous autorisent à conclure que la fécondité ne constitue pas une distinction fon-