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  Fécondité des variétés croisées. 345

peut cependant pas contester l’existence d’une légère stérilité dans certains cas que je vais brièvement passer en revue. Les preuves sont tout aussi concluantes que celles qui nous font admettre la stérilité chez une foule d’espèces ; elles nous sont d’ailleurs fournies par nos adversaires, pour lesquels, dans tous les autres cas, la fécondité et la stérilité sont les plus sûrs indices des différences de valeur spécifique. Gärtner a élevé l’une après l’autre, dans son jardin, pendant plusieurs années, une variété naine d’un maïs à grains jaunes, et une variété de grande taille à grains rouges ; or, bien que ces plantes aient des sexes séparés, elle ne se croisèrent jamais naturellement. Il féconda alors treize fleurs d’une de ces variétés avec du pollen de l’autre, et n’obtint qu’un seul épi portant des graines au nombre de cinq seulement. Les sexes étant distincts, aucune manipulation de nature préjudiciable à la plante n’a pu intervenir. Personne, je le crois, n’a cependant prétendu que ces variétés de maïs fussent des espèces distinctes ; il est essentiel d’ajouter que les plantes hybrides provenant des cinq graines obtenues furent elles-mêmes si complètement fécondes, que Gärtner lui-même n’osa pas considérer les deux variétés comme des espèces distinctes.

Girou de Buzareingues a croisé trois variétés de courges qui, comme le maïs, ont des sexes séparés ; il assure que leur fécondation réciproque est d’autant plus difficile que leurs différences sont plus prononcées. Je ne sais pas quelle valeur on peut attribuer à ces expériences ; mais Sageret, qui fait reposer sa classification principalement sur la fécondité ou sur la stérilité des croisements, considère les formes sur lesquelles a porté cette expérience comme des variétés, conclusion à laquelle Naudin est également arrivé.

Le fait suivant est encore bien plus remarquable ; il semble tout d’abord incroyable, mais il résulte d’un nombre immense d’essais continués pendant plusieurs années sur neuf espèces de verbascum, par Gärtner, l’excellent observateur, dont le témoignage a d’autant plus de poids qu’il émane d’un adversaire. Gärtner donc a constaté que, lorsqu’on croise les variétés blanches et jaunes, on obtient moins de graines que lorsqu’on féconde ces variétés avec le pollen des variétés de même couleur. Il