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gitimes. Le résultat principal de ces observations est que ces plantes illégitimes, comme on peut les appeler, ne sont pas parfaitement fécondes. On peut faire produire aux espèces dimorphes des plantes illégitimes à style long et à style court, et aux plantes trimorphes les trois formes illégitimes ; on peut ensuite unir ces dernières entre elles légitimement. Cela fait, il n’y a aucune raison apparente pour qu’elles ne produisent pas autant de graines que leurs parents légitimement fécondés. Mais il n’en est rien. Elles sont toutes plus ou moins stériles ; quelques-unes le sont même assez absolument et assez incurablement pour n’avoir produit, pendant le cours de quatre saisons, ni une capsule ni une graine. On peut rigoureusement comparer la stérilité de ces plantes illégitimes, unies ensuite d’une manière légitime, à celle des hybrides croisés inter se. Lorsque, d’autre part, on recroise un hybride avec l’une ou l’autre des espèces parentes pures, la stérilité diminue ; il en est de même lorsqu’on féconde une plante illégitime avec une légitime. De même encore que la stérilité des hybrides ne correspond pas à la difficulté d’opérer un premier croisement entre les deux espèces parentes, de même la stérilité de certaines plantes illégitimes peut être très prononcée, tandis que celle de l’union dont elles dérivent n’a rien d’excessif. Le degré de stérilité des hybrides nés de la graine d’une même capsule est variable d’une manière innée ; le même fait est fortement marqué chez les plantes illégitimes. Enfin, un grand nombre d’hybrides produisent des fleurs en abondance et avec persistance, tandis que d’autres, plus stériles, n’en donnent que peu, et restent faibles et rabougris ; chez les descendants illégitimes des plantes dimorphes et trimorphes on remarque des faits tout à fait analogues.

Il y a donc, en somme, une grande identité entre les caractères et la manière d’être des plantes illégitimes et des hybrides. Il ne serait pas exagéré d’admettre que les premières sont des hybrides produits dans les limites de la même espèce par l’union impropre de certaines formes, tandis que les hybrides ordinaires sont le résultat d’une union impropre entre de prétendues espèces distinctes. Nous avons aussi déjà vu qu’il y a, sous tous les rapports, la plus grande analogie entre les premières unions illégitimes et les premiers croisements entre espèces distinctes. C’est