Dimorphisme et trimorphisme. | 339 |
Chez les espèces trimorphes, six unions sont légitimes ou complètement fécondes, et douze sont illégitimes ou plus ou moins stériles.
La stérilité que l’on peut observer chez diverses plantes dimorphes et trimorphes, lorsqu’elles sont illégitimement fécondées — c’est-à-dire par du pollen provenant d’étamines dont la hauteur ne correspond pas avec celle du pistil — est variable quant au degré, et peut aller jusqu’à la stérilité absolue, exactement comme dans les croisements entre des espèces distinctes. De même aussi, dans ces mêmes cas, le degré de stérilité des plantes soumises à une union illégitime dépend essentiellement d’un état plus ou moins favorable des conditions extérieures. On sait que si, après avoir placé sur le stigmate d’une fleur du pollen d’une espèce distincte, on y place ensuite, même après un long délai, du pollen de l’espèce elle-même, ce dernier a une action si prépondérante, qu’il annule les effets du pollen étranger. Il en est de même du pollen des diverses formes de la même espèce, car, lorsque les deux pollens, légitime et illégitime, sont déposés sur le même stigmate, le premier l’emporte sur le second. J’ai vérifié ce fait en fécondant plusieurs fleurs, d’abord avec du pollen illégitime, puis, vingt-quatre heures après, avec du pollen légitime pris sur une variété d’une couleur particulière, et toutes les plantes produites présentèrent la même coloration ; ce qui prouve que, bien qu’appliqué vingt-quatre heures après l’autre, le pollen légitime a entièrement détruit l’action du pollen illégitime antérieurement employé, ou empêche même cette action. En outre, lorsqu’on opère des croisements réciproques entre deux espèces, on obtient quelquefois des résultats très différents ; il en est de même pour les plantes trimorphes. Par exemple, la forme à style moyen du Lythrum salicaria, fécondée illégitimement, avec la plus grande facilité, par du pollen pris sur les longues étamines de la forme à styles courts, produisit beaucoup de graines ; mais cette dernière forme, fécondée par du pollen pris sur les longues étamines de la forme à style moyen, ne produisit pas une seule graine.
Sous ces divers rapports et sous d’autres encore, les formes d’une même espèce, illégitimement unies, se comportent exactement de la même manière que le font deux espèces distinctes croisées. Ceci me conduisit à observer, pendant quatre ans, un grand nombre de plantes provenant de plusieurs unions illé-