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  Causes de la stérilité. 333

de graines, jusqu’à celles qui n’en produisent pas une seule, mais qui, cependant, sont sensibles à l’action du pollen de certaines autres espèces, car le germe grossit. Dans ce cas, il est évidemment impossible que les individus les plus stériles, c’est-à-dire ceux qui ont déjà cessé de produire des graines, fassent l’objet d’une sélection. La sélection naturelle n’a donc pu amener cette stérilité absolue qui se traduit par un effet produit sur le germe seul. Les lois qui régissent les différents degrés de stérilité sont si uniformes dans le royaume animal et dans le royaume végétal, que, quelle que puisse être la cause de la stérilité, nous pouvons conclure que cette cause est la même ou presque la même dans tous les cas.

Examinons maintenant d’un peu plus près la nature probable des différences qui déterminent la stérilité dans les premiers croisements et dans ceux des hybrides. Dans les cas de premiers croisements, la plus ou moins grande difficulté qu’on rencontre à opérer une union entre les individus et à en obtenir des produits paraît dépendre de plusieurs causes distinctes. Il doit y avoir parfois impossibilité à ce que l’élément mâle atteigne l’ovule, comme, par exemple, chez une plante qui aurait un pistil trop long pour que les tubes polliniques puissent atteindre l’ovaire. On a aussi observé que, lorsqu’on place le pollen d’une espèce sur le stigmate d’une espèce différente, les tubes polliniques, bien que projetés, ne pénètrent pas à travers la surface du stigmate. L’élément mâle peut encore atteindre l’élément femelle sans provoquer le développement de l’embryon, cas qui semble s’être présenté dans quelques-unes des expériences faites par Thuret sur les fucus. On ne saurait pas plus expliquer ces faits qu’on ne saurait dire pourquoi certains arbres ne peuvent être greffés sur d’autres. Enfin, un embryon peut se former et périr au commencement de son développement. Cette dernière alternative n’a pas été l’objet de l’attention qu’elle mérite, car, d’après des observations qui m’ont été communiquées par M. Hewitt, qui a une grande expérience des croisements des faisans et des poules, il paraît que la mort précoce de l’embryon est une des causes les plus fréquentes de la stérilité des premiers croisements. M. Salter a récemment examiné cinq cents œufs produits par divers croisements entre trois espèces de