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322 Hybridité.  

qu’on a pu observer à Paris la fécondité inter se, pendant huit générations, des hybrides provenant de deux phalènes (Bombyx cynthia et Bombyx arrindia). On a récemment affirmé que deux espèces aussi distinctes que le lièvre et le lapin, lorsqu’on réussit à les apparier, donnent des produits qui sont très féconds lorsqu’on les croise avec une des espèces parentes. Les hybrides entre l’oie commune et l’oie chinoise (Anagallis cygnoides), deux espèces assez différentes pour qu’on les range ordinairement dans des genres distincts, se sont souvent reproduits dans ce pays avec l’une ou l’autre des souches pures, et dans un seul cas inter se. Ce résultat a été obtenu par M. Eyton, qui éleva deux hybrides provenant des mêmes parents, mais de pontes différentes ; ces deux oiseaux ne lui donnèrent pas moins de huit hybrides en une seule couvée, hybrides qui se trouvaient être les petits-enfants des oies pures. Ces oies de races croisées doivent être très fécondes dans l’Inde, car deux juges irrécusables en pareille matière, M. Blyth et le capitaine Hutton, m’apprennent qu’on élève dans diverses parties de ce pays des troupeaux entiers de ces oies hybrides ; or, comme on les élève pour en tirer profit, là où aucune des espèces parentes pures ne se rencontre, il faut bien que leur fécondité soit parfaite.

Nos diverses races d’animaux domestiques croisées sont tout à fait fécondes, et, cependant, dans bien des cas, elles descendent de deux ou de plusieurs espèces sauvages. Nous devons conclure de ce fait, soit que les espèces parentes primitives ont produit tout d’abord des hybrides parfaitement féconds, soit que ces derniers le sont devenus sous l’influence de la domestication. Cette dernière alternative, énoncée pour la première fois par Pallas, paraît la plus probable, et ne peut guère même être mise en doute.

Il est, par exemple, presque certain que nos chiens descendent de plusieurs souches sauvages ; cependant tous sont parfaitement féconds les uns avec les autres, quelques chiens domestiques indigènes de l’Amérique du Sud exceptés peut-être ; mais l’analogie me porte à penser que les différentes espèces primitives ne se sont pas, tout d’abord, croisées librement et n’ont pas produit des hybrides parfaitement féconds. Toutefois, j’ai récemment acquis la preuve décisive de la complète fécondité inter se des