Insectes neutres et stériles. | 305 |
tion naturelle. La sélection naturelle a mis à profit les modifications légères, successives et nombreuses qu’ont subies des instincts d’un ordre plus simple ; elle a ensuite amené graduellement l’abeille à décrire plus parfaitement et plus régulièrement des sphères placées sur deux rangs à égales distances, et à creuser et à élever des parois planes sur les lignes d’intersection. Il va sans dire que les abeilles ne savent pas plus qu’elles décrivent leurs sphères à une distance déterminée les unes des autres, qu’elles ne savent ce que c’est que les divers côtés d’un prisme hexagonal ou les rhombes de sa base. La cause déterminante de l’action de la sélection naturelle a été la construction de cellules solides, ayant la forme et la capacité voulues pour contenir les larves, réalisée avec le minimum de dépense de cire et de travail. L’essaim particulier qui a construit les cellules les plus parfaites avec le moindre travail et la moindre dépense de miel transformé en cire a le mieux réussi, et a transmis ses instincts économiques nouvellement acquis à des essaims successifs qui, à leur tour aussi, ont eu plus de chances en leur faveur dans la lutte pour l’existence.
OBJECTIONS CONTRE L’APPLICATION DE LA THÉORIE DE LA SÉLECTION NATURELLE AUX INSTINCTS : INSECTES NEUTRES ET STÉRILES.
On a fait, contre les hypothèses précédentes sur l’origine des instincts, l’objection que « les variations de conformation et d’instinct doivent avoir été simultanées et rigoureusement adaptées les unes aux autres, car toute modification dans l’une, sans un changement correspondant immédiat dans l’autre, aurait été fatale. » La valeur de cette objection repose entièrement sur la supposition que les changements, soit de la conformation, soit de l’instinct, se produisent subitement. Prenons pour exemple le cas de la grande mésange (Parus major), auquel nous avons fait allusion dans un chapitre précédent ; cet oiseau, perché sur une branche, tient souvent entre ses pattes les graines de l’if qu’il frappe avec son bec jusqu’à ce qu’il ait mis l’amande à nu. Or, ne peut-on concevoir que la sélection naturelle ait conservé toutes les légères variations individuelles survenues dans