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  causes de la variabilité. 11

fonctionner. En présence de ces deux ordres de faits, faut-il s’étonner que le système reproducteur agisse si irrégulièrement quand il fonctionne en captivité, et que les descendants soient un peu différents de leurs parents ? Je puis ajouter que, de même que certains animaux reproduisent facilement dans les conditions les moins naturelles (par exemple, les lapins et les furets enfermés dans des cages), ce qui prouve que le système reproducteur de ces animaux n’est pas affecté par la captivité ; de même aussi, certains animaux et certaines plantes supportent la domesticité ou la culture sans varier beaucoup, à peine plus peut-être qu’à l’état de nature.

Quelques naturalistes soutiennent que toutes les variations sont liées à l’acte de la reproduction sexuelle ; c’est là certainement une erreur. J’ai cité, en effet, dans un autre ouvrage, une longue liste de plantes que les jardiniers appellent des plantes folles, c’est-à-dire des plantes chez lesquelles on voit surgir tout à coup un bourgeon présentant quelque caractère nouveau et parfois tout différent des autres bourgeons de la même plante. Ces variations de bourgeons, si on peut employer cette expression, peuvent se propager à leur tour par greffes ou par marcottes, etc., ou quelquefois même par semis. Ces variations se produisent rarement à l’état sauvage, mais elles sont assez fréquentes chez les plantes soumises à la culture. Nous pouvons conclure, d’ailleurs, que la nature de l’organisme joue le rôle principal dans la production de la forme particulière de chaque variation, et que la nature des conditions lui est subordonnée ; en effet, nous voyons souvent sur un même arbre soumis à des conditions uniformes, un seul bourgeon, au milieu de milliers d’autres produits annuellement, présenter soudain des caractères nouveaux ; nous voyons, d’autre part, des bourgeons appartenant à des arbres distincts, placés dans des conditions différentes, produire quelquefois à peu près la même variété — des bourgeons de pêchers, par exemple, produire des brugnons et des bourgeons de rosier commun produire des roses moussues. La nature des conditions n’a donc peut-être pas plus d’importance dans ce cas que n’en a la nature de l’étincelle, communiquant le feu à une masse de combustible, pour déterminer la nature de la flamme.