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246 Objections diverses.  

pour échapper aux attaques de leurs ennemis, ressemblent souvent à des objets divers, tels que feuilles vertes ou sèches, branchilles mortes, fragments de lichen, fleurs, épines, excréments d’oiseaux, et même à d’autres insectes vivants ; j’aurai à revenir sur ce dernier point. La ressemblance est souvent étonnante ; elle ne se borne pas à la couleur, mais elle s’étend à la forme et même au maintien. Les chenilles qui se tiennent immobiles sur les branches, où elles se nourrissent, ont tout l’aspect de rameaux morts, et fournissent ainsi un excellent exemple d’une ressemblance de ce genre. Les cas de ressemblance avec certains objets, tels que les excréments d’oiseaux, sont rares et exceptionnels. Sur ce point, M. Mivart remarque : « Comme, selon la théorie de M. Darwin, il y a une tendance constante à une variation indéfinie, et comme les variations naissantes qui en résultent doivent se produire dans toutes les directions, elles doivent tendre à se neutraliser réciproquement et à former des modifications si instables, qu’il est difficile, sinon impossible, de voir comment ces oscillations indéfinies de commencements infinitésimaux peuvent arriver à produire des ressemblances appréciables avec des feuilles, des bambous, ou d’autres objets ; ressemblances dont la sélection naturelle doit s’emparer pour les perpétuer. »

Il est probable que, dans tous les cas précités, les insectes, dans leur état primitif, avaient quelque ressemblance grossière et accidentelle avec certains objets communs dans les stations qu’ils habitaient. Il n’y a là, d’ailleurs, rien d’improbable, si l’on considère le nombre infini d’objets environnants et la diversité de forme et de couleur des multitudes d’insectes. La nécessité d’une ressemblance grossière pour point de départ nous permet de comprendre pourquoi les animaux plus grands et plus élevés (il y a une exception, la seule que je connaisse, un poisson) ne ressemblent pas, comme moyen défensif, à des objets spéciaux, mais seulement à la surface de la région qu’ils habitent, et cela surtout par la couleur. Admettons qu’un insecte ait primitivement ressemblé, dans une certaine mesure, à un ramuscule mort ou à une feuille sèche, et qu’il ait varié légèrement dans diverses directions ; toute variation augmentant la ressemblance, et favorisant, par conséquent, la conservation de l’in-