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234 Objections diverses.  

Il y a des plantes appartenant à des ordres distincts, qui produisent habituellement des fleurs de deux sortes, — les unes ouvertes, conformation ordinaire, les autres fermées et imparfaites. Ces deux espèces de fleurs diffèrent d’une manière étonnante ; elles peuvent cependant passer graduellement de l’une à l’autre sur la même plante. Les fleurs ouvertes ordinaires pouvant s’entre-croiser sont assurées des bénéfices certains résultant de cette circonstance. Les fleurs fermées et incomplètes ont toutefois une très haute importance, qui se traduit par la production d’une grande quantité de graines, et une dépense de pollen excessivement minime. Comme nous venons de le dire, la conformation des deux espèces de fleurs diffère beaucoup. Chez les fleurs imparfaites, les pétales ne consistent presque toujours qu’en simples rudiments, et les grains de pollen sont réduits en diamètre. Chez l’Ononis columnae cinq des étamines alternantes sont rudimentaires, état qu’on observe aussi sur trois étamines de quelques espèces de Viola, tandis que les deux autres, malgré leur petitesse, conservent leurs fonctions propres. Sur trente fleurs closes d’une violette indienne (dont le nom m’est resté inconnu, les plantes n’ayant jamais chez moi produit de fleurs complètes), les sépales, chez six, au lieu de se trouver au nombre normal de cinq, sont réduits à trois. Dans une section des Malpighiaceae, les fleurs closes, d’après A. de Jussieu, sont encore plus modifiées, car les cinq étamines placées en face des sépales sont toutes atrophiées, une sixième étamine, située devant un pétale, étant seule développée. Cette étamine n’existe pas dans les fleurs ordinaires des espèces chez lesquelles le style est atrophié et les ovaires réduits de deux à trois. Maintenant, bien que la sélection naturelle puisse avoir empêché l’épanouissement de quelques fleurs, et réduit la quantité de pollen devenu ainsi superflu quand il est enfermé dans l’enveloppe florale, il est probable qu’elle n’a contribué que fort peu aux modifications spéciales précitées, mais que ces modifications résultent des lois de la croissance, y compris l’inactivité fonctionnelle de certaines parties pendant les progrès de la diminution du pollen et de l’occlusion des fleurs.

Il est si important de bien apprécier les effets des lois de la croissance, que je crois nécessaire de citer quelques exemples