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  Objections diverses. 231

fications légères, affectant tantôt une partie, tantôt une autre, mais pas de changements considérables et simultanés. Même lorsque l’homme n’a appliqué la sélection qu’à un seul caractère — ce dont nos plantes cultivées offrent les meilleurs exemples — on trouve invariablement que si un point spécial, que ce soit la fleur, le fruit ou le feuillage, a subi de grands changements, presque toutes les autres parties ont été aussi le siège de modifications. On peut attribuer ces modifications en partie au principe de la corrélation de croissance, et en partie à ce qu’on a appelé la variation spontanée.

Une objection plus sérieuse faite par M. Bronn, et récemment par M. Broca, est que beaucoup de caractères paraissent ne rendre aucun service à leurs possesseurs, et ne peuvent pas, par conséquent, avoir donné prise à la sélection naturelle. Bronn cite l’allongement des oreilles et de la queue chez les différentes espèces de lièvres et de souris, les replis compliqués de l’émail dentaire existant chez beaucoup d’animaux, et une multitude de cas analogues. Au point de vue des végétaux, ce sujet a été discuté par Nägeli dans un admirable mémoire. Il admet une action importante de la sélection naturelle, mais il insiste sur le fait que les familles de plantes diffèrent surtout par leurs caractères morphologiques, qui paraissent n’avoir aucune importance pour la prospérité de l’espèce. Il admet, par conséquent, une tendance innée à un développement progressif et plus complet. Il indique l’arrangement des cellules dans les tissus, et des feuilles sur l’axe, comme des cas où la sélection naturelle n’a pu exercer aucune action. On peut y ajouter les divisions numériques des parties de la fleur, la position des ovules, la forme de la graine, lorsqu’elle ne favorise pas sa dissémination, etc.

Cette objection est sérieuse. Néanmoins, il faut tout d’abord se montrer fort prudent quand il s’agit de déterminer quelles sont actuellement, ou quelles peuvent avoir été dans le passé les conformations avantageuses à chaque espèce. En second lieu, il faut toujours songer que lorsqu’une partie se modifie, d’autres se modifient aussi, en raison de causes qu’on entrevoit à peine, telles que l’augmentation ou la diminution de l’afflux de nourriture dans une partie, la pression réciproque, l’influence du développement d’un organe précoce sur un autre qui ne se forme que