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  Difficultés spéciales. 205

muscles et dans les nerfs à l’état d’inaction, et le choc produit par la décharge subite de l’appareil de la torpille ne serait en aucune façon une force de nature particulière, mais simplement une autre forme de la décharge qui accompagne l’action des muscles et du nerf moteur. » Nous ne pouvons actuellement pousser plus loin l’explication ; mais, comme nous ne savons rien relativement aux habitudes et à la conformation des ancêtres des poissons électriques existants, il serait extrêmement téméraire d’affirmer l’impossibilité que ces organes aient pu se développer graduellement en vertu de transitions avantageuses.

Une difficulté bien plus sérieuse encore semble nous arrêter quand il s’agit de ces organes ; ils se trouvent, en effet, chez une douzaine d’espèces de poissons, dont plusieurs sont fort éloignés par leurs affinités.

Quand un même organe se rencontre chez plusieurs individus d’une même classe, surtout chez les individus ayant des habitudes de vie très différentes, nous pouvons ordinairement attribuer cet organe à un ancêtre commun qui l’a transmis par hérédité à ses descendants ; nous pouvons, en outre, attribuer son absence, chez quelques individus de la même classe, à une disparition provenant du non-usage ou de l’action de la sélection naturelle. De telle sorte donc que, si les organes électriques provenaient par hérédité de quelque ancêtre reculé, nous aurions pu nous attendre à ce que tous les poissons électriques fussent tout particulièrement alliés les uns aux autres ; mais tel n’est certainement pas le cas. La géologie, en outre, ne nous permet pas de penser que la plupart des poissons ont possédé autrefois des organes électriques que leurs descendants modifiés ont aujourd’hui perdus. Toutefois, si nous étudions ce sujet de plus près, nous nous apercevons que les organes électriques occupent différentes parties du corps des quelques poissons qui les possèdent ; que la conformation de ces organes diffère sous le rapport de l’arrangement des plaques et, selon Pacini, sous le rapport des moyens mis en œuvre pour exciter l’électricité, et, enfin, que ces organes sont pourvus de nerfs venant de différentes parties du corps, et c’est peut-être là la différence la plus importante de toutes. On ne peut donc considérer ces organes électriques comme homologues, tout au plus