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196 Difficultés de la théorie.  

outre, l’œil varie quelquefois et que ces variations sont transmissibles par hérédité, ce qui est également le cas ; que si, enfin, ces variations sont utiles à un animal dans les conditions changeantes de son existence, la difficulté d’admettre qu’un œil complexe et parfait a pu être produit par la sélection naturelle, bien qu’insurmontable pour notre imagination, n’attaque en rien notre théorie. Nous n’avons pas plus à nous occuper de savoir comment un nerf a pu devenir sensible à l’action de la lumière que nous n’avons à nous occuper de rechercher l’origine de la vie elle-même ; toutefois, comme il existe certains organismes inférieurs sensibles à la lumière, bien que l’on ne puisse découvrir chez eux aucune trace de nerf, il ne paraît pas impossible que certains éléments du sarcode, dont ils sont en grande partie formés, puissent s’agréger et se développer en nerfs doués de cette sensibilité spéciale.

C’est exclusivement dans la ligne directe de ses ascendants que nous devons rechercher les gradations qui ont amené les perfectionnements d’un organe chez une espèce quelconque. Mais cela n’est presque jamais possible, et nous sommes forcés de nous adresser aux autres espèces et aux autres genres du même groupe, c’est-à-dire aux descendants collatéraux de la même souche, afin de voir quelles sont les gradations possibles dans les cas où, par hasard, quelques-unes de ces gradations se seraient transmises avec peu de modifications. En outre, l’état d’un même organe chez des classes différentes peut incidemment jeter quelque lumière sur les degrés qui l’ont amené à la perfection.

L’organe le plus simple auquel on puisse donner le nom d’œil, consiste en un nerf optique, entouré de cellules de pigment, et recouvert d’une membrane transparente, mais sans lentille ni aucun autre corps réfringent. Nous pouvons, d’ailleurs, d’après M. Jourdain, descendre plus bas encore et nous trouvons alors des amas de cellules pigmentaires paraissant tenir lieu d’organe de la vue, mais ces cellules sont dépourvues de tout nerf et reposent simplement sur des tissus sarcodiques. Des organes aussi simples, incapables d’aucune vision distincte, ne peuvent servir qu’à distinguer entre la lumière et l’obscurité. Chez quelques astéries, certaines petites dépressions dans la couche de pigment qui entoure le nerf sont, d’après l’auteur que nous venons de