Origine et transitions des êtres organisés. | 191 |
car chacun doit lutter pour vivre, mais elle n’est pas nécessairement la meilleure qui se puisse concevoir dans toutes les conditions possibles. Il ne faudrait pas conclure des remarques qui précèdent qu’aucun des degrés de conformation d’ailes qui y sont signalés, et qui tous peut-être résultent du défaut d’usage, doive indiquer la marche naturelle suivant laquelle les oiseaux ont fini par acquérir leur perfection de vol ; mais ces remarques servent au moins à démontrer la diversité possible des moyens de transition.
Si l’on considère que certains membres des classes aquatiques, comme les crustacés et les mollusques, sont adaptés à la vie terrestre ; qu’il existe des oiseaux et des mammifères volants, des insectes volants de tous les types imaginables ; qu’il y a eu autrefois des reptiles volants, on peut concevoir que les poissons volants, qui peuvent actuellement s’élancer dans l’air et parcourir des distances considérables en s’élevant et en se soutenant au moyen de leurs nageoires frémissantes, auraient pu se modifier de manière à devenir des animaux parfaitement ailés. S’il en avait été ainsi, qui aurait pu s’imaginer que, dans un état de transition antérieure, ces animaux habitaient l’océan et qu’ils se servaient de leurs organes de vol naissants, autant que nous pouvons le savoir, dans le seul but d’échapper à la voracité des autres poissons ?
Quand nous voyons une conformation absolument parfaite appropriée à une habitude particulière, telle que l’adaptation des ailes de l’oiseau pour le vol, nous devons nous rappeler que les animaux présentant les premières conformations graduelles et transitoires ont dû rarement survivre jusqu’à notre époque, car ils ont dû disparaître devant leurs successeurs que la sélection naturelle a rendus graduellement plus parfaits. Nous pouvons conclure en outre que les états transitoires entre des conformations appropriées à des habitudes d’existence très différentes ont dû rarement, à une antique période, se développer en grand nombre et sous beaucoup de formes subordonnées. Ainsi, pour en revenir à notre exemple imaginaire du poisson volant, il ne semble pas probable que les poissons capables de s’élever jusqu’au véritable vol auraient revêtu bien des formes différentes, aptes à chasser, de diverses manières, des proies de diverses